Les neutrinos forment une famille de particules élémentaires aux propriétés tout à fait fascinantes. Leur histoire commence avec la découverte de la radioactivité par Becquerel en 1896 qui fut largement complétée un peu plus tard par Pierre et Marie Curie. La radioactivité existe sous plusieurs formes. La forme dite "bêta" se caractérise par l'émission d'un électron. Si l'électron était émis seul, il devrait posséder une énergie bien précise, or lorsqu'on mesure celle-ci on observe toute une dispersion de valeurs (ce qu'on appelle un spectre) comme si une autre particule était émise dans la réaction. Les physiciens eurent beau chercher, ils ne trouvèrent rien pendant très longtemps. Niels Bohr envisagera même de renoncer au dogme de la conservation de l'énergie.
En 1930 Wolfgang Pauli, physicien un peu excentrique envoie à ses collègues une curieuse lettre commençant par ses mots:
"Chers dames et messieurs radioactifs,
Je vous prie d'écouter avec beaucoup de bienveillance le message de cette lettre..."
Il tente d'expliquer la dispersion de l'énergie de l'électron par l'émission d'une particule électriquement neutre et indétectable qu'il nomme "neutron". Il précise que ce "neutron" doit avoir une très faible masse.
"Chers dames et messieurs radioactifs,
Je vous prie d'écouter avec beaucoup de bienveillance le message de cette lettre..."
Il tente d'expliquer la dispersion de l'énergie de l'électron par l'émission d'une particule électriquement neutre et indétectable qu'il nomme "neutron". Il précise que ce "neutron" doit avoir une très faible masse.
En 1932, le neutron est découvert par James Chadwick, malheureusement, ce "neutron", bien que neutre comme son nom l'indique, est beaucoup trop lourd pour expliquer le spectre d'énergie des électrons dans la désintégration bêta.
L'idée de la particule de Pauli continue de faire son chemin et Francis Perrin montre que sa masse doit être plus petite que celle de l'électron qui ne pèse déjà pas bien lourd, il envisage même qu'elle puisse être nulle. En 1933, Enrico Fermi propose d'appeler la particule de Pauli le "neutrino", c'est-à-dire le "petit neutron".
En 1934, le mystère s'épaissit, Hans Bethe et Rudolf Peierls montrent que cette mystérieuse particule sera bien difficile à détecter puisqu'elle pourrait traverser la terre sans interagir !
Donc, en 1934 on suppose qu'il existe une particule neutre, de très faible masse, peut être même sans masse, qui n'interagit quasiment pas avec la matière et qui est associée à l'électron dans la désintégration bêta de certains noyaux. La question est donc de trouver le moyen de mettre en évidence cette "chose". Si le neutrino interagit très peu avec la matière, il faut en produire beaucoup dans un espace minimum afin d'avoir une chance d'en détecter une infime fraction. Nous sommes dans les années 50 et on envisage assez sérieusement d'utiliser une explosion nucléaire puisque celle-ci serait une source intense de neutrinos et qu'en ces années là, ça explose à tout va. Une autre solution est de placer un détecteur auprès d'une centrale nucléaire. C'est ce que font Frederick Reines et Clyde Cowan en 1956. Le neutrino ou plus exactement l'anti-neutrino est au rendez-vous et est enfin mis en évidence 60 ans après la découverte de la radioactivité !
L'histoire se compliqua encore un peu lorsqu'on réalisa que les neutrinos peuvent exister sous trois formes et que chacune d'entre-elles est associée à une autre particule, l'ensemble formant la famille des leptons (du grec "leptos": léger). Le neutrino électronique est associé à l'électron, le neutrino muonique au muon et le neutrino tauique au tau. Un neutrino électronique qui interagit produira un électron, un neutrino muonique un muon et de même pour le tau. Le neutrino tauique, postulé pendant très longtemps, ne sera mis en évidence qu'en 2000 par l'expérience DONUT du FNAL (États-Unis).
Un autre mystère qui entoure toujours le neutrino concerne sa masse, en effet celle-ci est tellement petite et difficile à mesurer qu'on ne la connait toujours pas aujourd'hui. On sait juste qu'elle est non nulle.
La quasi absence d'interaction des neutrinos avec la matière est d'un certain point de vue un avantage considérable. En effet, beaucoup de phénomènes de l'Univers produisent des neutrinos, et ceux-ci une fois produits, traversent le cosmos sans interagir. Ils sont donc porteur d'une information qui n'est pas perturbée au cours de leur long voyage. Par exemple, les réactions nucléaires dans le Soleil produisent des quantités énormes de neutrinos qui balayent la Terre et qui peuvent nous renseigner sur les mécanismes physiques présents au cœur même de notre étoile.
Chaque cm2 de surface de la Terre est bombardé à chaque seconde par 65 milliards de neutrinos. Malheureusement, chaque neutrino solaire n' a qu'une chance sur 1000 milliards d'être arrêté par la Terre. La détection des neutrinos du Soleil est donc un défi. Dès 1948, c'est-à-dire avant la première mise en évidence du neutrino, le physicien Italien Bruno Pontecorvo, propose déjà une technique de détection des neutrinos solaires utilisant leur interaction avec le Chlore. L'expérience est construite entre 1965 et 1967 par Ray Davis dans la mine de Homestake dans le Dakota du Sud, à 1400 m sous terre afin de se protéger du rayonnement cosmique. Le défi est énorme, il faut filtrer et traiter chimiquement 400 m3 de liquide chloré afin de détecter un seul atome d'Argon par semaine qui signe l'interaction d'un neutrino. L'expérience fonctionnera durant 24 ans (!) et permettra non seulement de détecter les neutrinos solaire, mais également de se rendre compte que leur flux est bien plus faible que ce qu'on attend. Mais cela est une autre histoire qui fera l'objet d'un autre article…
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