dimanche 25 juillet 2010

Antimatière

L'antimatière est le sujet de bien des fantasmes, l'imagination populaire en a fait un élément possédant une sorte de puissance absolue capable par un mystérieux mécanisme de tout anéantir. L'antimatière a été mise en scène dans de nombreux livres et films de science fiction dont l'un des plus récents a été Anges et Démons de Dan Brown qui met en scène un vol d'antimatière au CERN à des fins terroristes.

Sur le plan scientifique la notion d'antimatière a été évoquée dès les années 1880, mais elle ne s'est finalement imposée que lorsque Paul Dirac réalisa que les solutions d'énergies négatives qui apparaissaient dans l'équation qu'il venait d'établir pour décrire le comportement des électrons pouvaient être interprétées comme des anti-électrons ou positons qui furent finalement découverts expérimentalement par Carl D. Anderson en 1932 en étudiant le rayonnement cosmique.

Sans invoquer les mathématiques, on pourrait définir une antiparticule comme un objet qui a la capacité de s'annihiler totalement avec sa particule partenaire. Particules et antiparticules sont quasiment similaires (même masse par exemple), avec certaines caractéristiques qui sont inversées (la charge électrique par exemple)

L'antimatière est relativement simple à fabriquer. Les accélérateurs de particules en produisent journellement. Il "suffit" de bombarder une cible avec un faisceau  de particules pour récupérer à peu près autant de particules que d'antiparticules. Il est possible d'isoler les particules d'antimatière, de les stocker et même d'en faire de nouveaux faisceaux de particules. Au LEP (CERN) par exemple, des faisceaux d'électrons (matière) et de positons (antimatière) étaient amenés en collision afin de provoquer une annihilation d’où rejaillissait de nouvelles particules de matière et d'antimatière. Au LHC (CERN) ce sont des faisceaux de protons, donc de matière qui rentrent en collisions, mais là encore de très nombreuses particules d'antimatière émergent.

Certains éléments radioactifs produisent des antiparticules, le Fluor 18 par exemple se désintègre en émettant un positon, c'est ce type d'isotope qui est utilisé en imagerie médicale pour les tomographies à émission de positon (TEP ou PET). On injecte du Fluor 18 au patient, celui se fixe sur les organes puis se désintègre en émettant un positon qui s'annihile quasiment instantanément avec un électron provenant des tissus biologiques. Cette annihilation produit deux photons qui sont détectés par un système approprié. On arrive ainsi à obtenir une image détaillée des organes et à mettre en évidence des tumeurs.

On peut conserver l'antimatière lorsqu'elle est électriquement chargée (par exemple des positons) pendant des heures, voire même des jours  dès lors qu'on est capable de l'isoler de tout contact avec de la matière. On utilise pour cela des champs magnétiques et un vide très poussé. L'antimatière est en quelque sorte maintenue en sustentation loin des parois du récipient.

À partir d'antiprotons et de positons, le CERN a réussi en 1995 à fabriquer des atomes d'anti-hydrogène. Ceux-ci étant électriquement neutres, il n'est pas possible de les confiner avec des champs magnétiques, ils sont donc très difficile à conserver. Il faut pour cela  arriver à les refroidir considérablement afin de les figer.

On ne parle ici que de quantité infime d'antimatière, tout au plus quelques centaines de milliards de particules dans les faisceaux des accélérateurs. On est bien loin du demi-gramme d'antimatière évoqué dans Anges et Démons. Il faudrait faire fonctionner les accélérateurs du CERN pendant des millions d'années pour en produire une telle quantité.

Du point de vue de la recherche fondamentale, l'étude de l'équivalence de la matière et de l'antimatière est très importante, en particulier la masse d'une antiparticule doit être exactement égale à celle de sa particule partenaire. Si tel n'était pas le cas, cela mettrait à mal des théories maintenant bien établies et nécessiterait de revoir la physique en profondeur .

Au niveau cosmologique l'antimatière reste une énigme. On suppose que lors du Big Bang, autant de matière que d'antimatière a été produit, or nous vivons actuellement dans un monde de matière, il n'y a nulle trace d'antimatière dans l'Univers autres  que les antiparticules produites lors d'évènements bien postérieurs au Big Bang. L'antimatière primordiale semble donc avoir disparu de l'Univers sans que l'on soit capable d'expliquer le mécanisme mis en jeu. Si l'antimatière avait perdurée, celle-ci se serait annihilée avec la matière, protons et neutrons n'auraient pu être produits et les éléments chimiques n'auraient finalement pas pu être synthétisés. Le mécanisme de création des protons et des neutrons que l'on nomme Baryogénèse nécessite donc, entre autre, un phénomène qui casse la symétrie entre matière et antimatière en donnant la préférence à la matière. Ce phénomène est connu en physique sous le nom de violation de la symétrie CP.  Pour expliquer la disparition de l'antimatière, il "suffit" que la nature favorise la matière dans un cas sur 100 milliards !

En 1964 James Cronin, Val Fitch et leur étudiant René Turlay ont mis en évidence une très faible asymétrie entre matière et antimatière pour des particules nommées K0 et anti-K0. Dans les années 2000 les expériences BaBar (États-Unis) et Belle (Japon) ont mesurée une asymétrie du même type pour des particules composées de quarks b (les mésons beaux). Le mécanisme est correctement compris et décrit dans le cadre du modèle standard de la physique des particules mais est malheureusement bien trop faible pour expliquer à lui seul la disparition de l'antimatière dans l'Univers. A ce jour seul, un résultat récent et inattendu de l'expérience D0 au Fermilab semble indiquer une situation dans laquelle l'asymétrie matière-antimatière serait suffisante. La signification statistique du résultat n'est toutefois pas assez grande pour permettre d'annoncer une découverte et il faudra encore attendre pour avoir la confirmation ou non du phénomène.

Voir également l'article de Richard Taillet sur Futura-Sciences.

mercredi 14 juillet 2010

Courage fuyons...

L'invraisemblable marée noire qui frappe le golfe du Mexique pointe l'absurdité de la course au pétrole. L'exploitation du pétrole qui devrait normalement avoir pour but d'apporter un bien à l'humanité n'est finalement qu'une gigantesque affaire d'argent pour le bénéfice de quelques uns. Vous penserez peut-être que ce ne sont là que des lieux communs ou des évidences, mais quand on y regarde de plus près, on se rend compte que la réalité dépasse de très loin les pires scénarii qui puissent être imaginés. L'article de l'Associated Press disponible ici révèle qu'il y a actuellement 23 500 puits dans le golfe du Mexique qui sont définitivement scellés et abandonnés. 3500 sont classés comme temporairement abandonnés, mais parmi ceux-ci bon nombre sont restés tels quels depuis des dizaines d'années sans avoir été scellés proprement. Le risque est donc grand que la corrosion aidant, certain de ces puits finissent par fuir. L'article mentionné prétend que certains puits sont temporairement abandonnés pour de simples raisons économiques, histoire d'attendre que le prix du baril soit suffisamment élevé pour que leur exploitation redevienne rentable !

Cette marée noire particulièrement médiatisée puisqu'elle touche le pays le plus riche de la planète, a été l'occasion pour la presse de s'intéresser à des régions du globe nettement moins favorisées. Par exemple, on apprend ici que dans le delta du Niger on aurait compté 6800 "fuites" entre 1976 et 2001 qui ont déversées des millions de litres de pétrole détruisant ainsi une grande partie de l'écosystème. Pire, ces marées noires à répétitions ont ruiné les habitants qui vivaient de l'exploitation des produits naturels, et la région est maintenant plongée dans un véritable chao où les bandes armées s'affrontent et où les enlèvements sont monnaie courante. Le personnel des compagnies pétrolières et leur famille en sont venus à vivre reclus dans des prisons dorées.




Je suis surpris que cet état de fait ne soulève pas l'indignation des mouvements écologistes. La marée noire du golfe du Mexique, bien qu'elle soit l'une des pire que le monde est connue, ne soulève finalement que très peu de protestations. Comme si finalement, la pollution engendrée par le pétrole était devenue un mal nécessaire intégrée dans le fonctionnement même de la société.

Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec l'énergie nucléaire réputée dangereuse et représentant le mal absolu en terme d'écologie et dont le moindre incident entraine des torrents de protestations. Je me dis que finalement le fait que le nucléaire soit si mal perçu et qu'il présente un risque réel de détournement au profit d'applications militaires, sont paradoxalement les gages d'une très grande sureté. En effet, la pression des mouvements écologistes et celle des gouvernements a entrainé la mise en place de tout un ensemble de systèmes de contrôle qui empêchent de fait, les compagnies exploitantes de mettre la sécurité au second plan. En France l'Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) a un pouvoir absolu et peu faire interrompre l'exploitation d'une centrale nucléaire si celle-ci ne présente pas des garanties de sécurité suffisantes. Au niveau de l'exploitation pétrolière, nulle ASN, nul contrôle approfondi, et qui voulez vous qui aille mettre son nez sur une installation située à 1500 m de profondeur sous la surface de la mer ?

Le réchauffement climatique allié à l'amélioration des techniques de forage va bientôt permettre d'accéder à de probables gigantesques réserves de pétroles et de gaz situées en Arctique. Les compagnies pétrolières et les états sont déjà dans les "starting blocks" pour s'emparer de cette manne. Ceci n'a aucun sens ; plus nous brulerons de pétrole et plus nous accélèrerons le réchauffement climatique et plus nous augmenterons le risque d'une catastrophe écologique majeure.

Le pire est qu'il ne semble y avoir aucun plan ! La catastrophe est annoncée, mais nous continuons sur notre lancée, les compagnies pétrolières ne se sont jamais aussi bien portées… Imaginez ; on parle d'un coût de 30 milliards de dollars pour la marée noire dans le golfe et BP frémit à peine ! Imaginez seulement l'effet d'un investissement bien ciblé de 30 milliards de dollars pour l'éducation des enfants du monde … on se dit parfois que l'argent est bien mal utilisé.

Ne vous leurrez pas, ce ne sont pas quelques éoliennes et quelques panneaux solaires installés sur le toit de vos maisons qui vont changer grand-chose. La seule solution est un investissement majeur dans la recherche et un contrôle très strict des états sur l'exploitation des énergies fossiles avec des lobbies écologistes suffisamment puissants pour éviter les dérives. Allez, rêvons…  pourquoi ne pas confier à l'ONU le contrôle de l'énergie mondiale ?


Voir ici un article de "Courrier International" communiqué par mon amie Marie-Claire