samedi 16 avril 2011

Matière noire et statistiques

En 1933 Fritz Zwicky en estimant les vitesses de galaxies réunies en amas, découvre qu'il semble y avoir un désaccord important entre la masse des amas estimée à partir de la luminosité des galaxies qui les composent et la masse nécessaire pour rendre compte de la dynamique de l'ensemble. Ce soupçon se confirmera dans les années 1970 avec les mesures des vitesses de rotation des galaxies spirales qui montrent un très fort désaccord par rapport aux prédictions basées sur l'estimation de la distribution de la masse visible. Finalement, c'est l'analyse du rayonnement cosmologique à 2.7 Kelvins par le satellite WMAP, qui permettra de déterminer que la matière ordinaire composée d'atomes, représente un peu moins de 17% de l'ensemble de la matière présente dans l'Univers. Les 83% restants sont composés d'une matière inconnue qui ne rayonne pas, n'interagit pratiquement pas avec la matière ordinaire et ne se manifeste que par ses effets gravitationnels. Cette matière porte le nom de matière noire ou matière sombre à ne pas confondre avec l'énergie noire, composante majoritaire et non matérielle de l'univers, dont la nature est encore plus mystérieuse.

De nombreuses hypothèses existent quant à la nature de la matière noire, l'une des plus plausibles est qu'il s'agit de particules d'un genre nouveau, plutôt massives et donc  peu rapides (matière noire froide) et interagissant très peu avec la matière ordinaire. Ce type d'objet est connu sous l'acronyme de WIMP pour Weakly Interacting Massive Particle. Cette appellation est aussi un jeu de mots, puisque "wimp" signifie "mauviette" en anglais.

Si les hypothèses énoncées plus haut sont vraies, la matière noire est probablement présente partout dans l'univers et en particulier, il doit en exister de grandes quantités tout autour de nous à n'importe quel endroit de la Terre. La difficulté est évidemment de la détecter puisque par nature, ces WIMPs n'interagissent pratiquement pas avec la matière ordinaire. Toutefois, "pratiquement pas" ne veut pas dire "pas du tout" et on suppose que les WIMPs ont une petite probabilité de diffuser élastiquement sur les noyaux de la matière ordinaire, c'est-à-dire qu'un WIMP peut en quelque sorte "frapper" un noyau et mettre celui-ci en mouvement. Le terme "frapper" est ici une image simplificatrice qui recouvre des processus de physique des particules complexes dépendants de la nature de la matière noire.

A partir de ces hypothèses, des méthodes de détection de la matière noire ont été imaginées, l'idée est de détecter les effets du "choc" de la particule de matière noire sur un noyau du milieu détecteur. Plusieurs techniques sont possibles, l'une d'entre elles, utilisée dans les expériences CDMS aux USA et EDELWEISS dans le Laboratoire Souterrain de Modane en France, utilise des cristaux de germanium. Le noyau de germanium qui recule sous "l'impact" de la particule incidente, ébranle le réseau cristallin et cette excitation appelée "phonon" se propage dans le cristal. La propagation du phonon s'accompagne d'une très petite élévation de température qui peut être détectée par un système adapté. Ce type de détecteur s'appelle un "bolomètre". L'avantage du germanium est qu'il est également très bien adapté pour détecter l'ionisation provoquée par le mouvement du noyau qui arrache quelques électrons aux atomes environnants.

En combinant les mesures simultanées d'ionisation et de chaleur on possède un système de détection particulièrement efficace, encore faut-il être capable de lutter contre le bruit de fond dû à des particules standards qui peuvent simuler un signal de matière noire.  Pour cela les précautions suivantes sont prises :
  • Les détecteurs sont installés dans des laboratoires souterrains afin que quelques milliers de mètres de roche absorbent l'essentiel du rayonnement cosmique.
  • Les détecteurs sont refroidis à quelques centièmes de Kelvin afin d'être capables de mesurer les dépôts de chaleurs minuscules associés aux phonons.
  • Il faut blinder les détecteurs pour les protéger de la radioactivité naturelle, pour cela on les enferme dans des enceintes en plomb, mais étant donné que le plomb est naturellement un peu radioactif on utilise du plomb archéologique trouvé dans des épaves de bateau, dont les isotopes radioactifs ont disparu par désintégration naturelle. De même tous les matériaux constituant l'expérience doivent être choisis avec beaucoup de soin pour éviter les plus infimes contaminations radioactives.
  • On blinde également contre les neutrons qui dans certains cas simulent très bien l'effet de la matière noire.

Tout ceci fait, il ne reste plus qu'à mettre les détecteurs en route et à attendre que les hypothétiques particules de matière noire veuillent bien interagir avec quelques noyaux. Même en prenant toutes les précautions possibles, il est inévitable que quelques bruits de fond insidieux subsistent encore. Ce bruit de fond, dit irréductible ne pouvant, par définition pas être évité, il faut le modéliser du mieux possible afin de savoir combien d'interactions parasites doivent être attendues en un temps donné.

Après un certain temps d'exposition du détecteur et une analyse fine des mesures destinée à écarter les interactions qui ne sont manifestement pas dues à la matière noire, les physicien(ne)s se retrouvent avec un certain nombre de candidats dont il est impossible de savoir s'il s'agit de bruits de fond ou de signaux de matière noire. Heureusement les statistiques viennent à notre secours et plus particulièrement la loi de Poisson qui s'énonce comme suit:
Cela semble compliqué, mais c'est en fait très simple. Si les modélisations du bruit de fond que l'on a essayé de faire le plus précisément possible, indiquent que durant le temps de mesure du détecteur on s'attend en moyenne à détecter lambda interactions de bruit de fond, alors la loi de Poisson nous donne la probabilité d'observer en réalité k interactions, toutes dues au bruit de fond.  En effet, la nature probabiliste du phénomène, fait que si en moyenne on attend par exemple 3 occurrences d'un évènement, il se peut que seulement 2 ou bien 4 ou même une seule soient observées.

Par exemple si on attend en moyenne 0.9 interaction de bruit de fond, la probabilité d'en observer 3 sera égale à 5%, ce qui n'est pas suffisamment significatif pour prétendre à une découverte de la matière noire. Par contre si on en observe 6, alors la probabilité que ce ne soit que du bruit de fond chute à 0.03%, il y a alors une très forte probabilité pour que l'expérience ait observé un phénomène nouveau ou bien pour que le bruit de fond soit mal modélisé...

Récemment l'expérience EDELWEISS a détecté 5 interactions pour un peu moins de 3 attendues, on ne peut donc strictement rien en déduire quant à l'existence ou non de la matière noire. Cette mesure permet toutefois de contraindre les modèle théoriques. Ceci dit, plusieurs expériences à travers le monde traquent la matière noire depuis des années, les détecteurs sont de plus en plus sensibles, il est donc possible qu'une bonne surprise apparaisse très prochainement...

lundi 4 avril 2011

M63 - La galaxie du Tournesol

Également dans la constellation des Chiens de Chasse et tout près de la galaxie du tourbillon (M51) se trouve une autre galaxie très esthétique surnommée "le Tournesol". Elle a été découverte en 1779 par l'astronome Pierre Méchain puis ajoutée en tant que 63ème objet du catalogue des nébuleuses et amas d'étoiles, dressé par Charles Messier. Tout comme M51,  M63 se trouve à environ 31 millions d'années-lumière de la Terre.
Dans la classification établie par Edwin Hubble en 1936, le Tournesol est catalogué comme une Galaxie Spirale de type Sb ou Sc, c'est à dire possédant des bras peu serrés.

En mai 1971, G. Jolly, à l'observatoire Corralitos, observa dans M63 l'explosion de Sn1971I, une supernova de type 1.

L'image ci-dessous a été réalisée avec un télescope Newton de 150 mm de diamètre pour 750 mm de focale et équipé d'une caméra CCD. 30 poses individuelles de 4 minutes ont été combinées afin d'obtenir ce résultat.
On pourra comparer avec cette image - cliquer ici - réalisée par Tony Hallas, un amateur possédant un matériel beaucoup plus sophistiqué que le mien. La comparaison est intéressante car elle montre que certains détails à peine visibles sur mon image ne sont pas des artéfacts. On pourra notamment repérer la légère nébulosité juste en dessous de l'étoile brillante à gauche de la galaxie qui est en réalité un morceau d'un des bras spiraux.

On pourra également essayer de repérer toutes les petites galaxies très lointaines, qui fourmillent dans l'image.

La bande noire dans la partie inférieure de la galaxie est une zone de poussières qui absorbe la lumière des étoiles environnantes et qui apparaît donc comme très sombre.