lundi 19 avril 2010

Principe Anthropique et Multivers

La cosmologie arrive relativement bien à expliquer l'enchainement des processus physiques qui, depuis le BigBang ont conduit à l'Univers observable que nous connaissons.  Toutefois, lorsque l'on regarde de près les processus mis en jeu, on se rend compte que l'édifice est très fragile et qu'une infime perturbation aurait suffit à le faire écrouler. En effet, un certain nombre de lois physiques et de constantes fondamentales doivent être ajustées avec une précision extrême (on parle de "fine tuning" en anglais) sous peine d'obtenir une évolution de l'Univers complètement différente. Par exemple, les conditions d'obtention de la nucléosynthèse, c'est-à-dire du processus de constitution des premiers noyaux des éléments simples (l'hydrogène par exemple), reposent sur des grandeurs physiques qui, si elles avaient été modifiées, ne serait-ce que par une fraction minuscule, auraient rendu cette nucléosynthèse impossible. La formation des étoiles, gigantesques machines à fabriquer les éléments plus lourds, n'aurait pas eu lieu non plus, et ainsi de suite...  L'ajustement des grandeurs physiques impliquées dans l'expansion de l'Univers doit être précis jusqu'à une centaine de décimales, le moindre écart conduisant soit à un Univers qui se recontracte immédiatement après sa naissance, soit qui se disloque avant d'avoir pu donner naissance aux grandes structures cosmiques. Dans ces conditions, notre existence même  repose sur un hasard incroyable, des probabilités tellement infimes qu'elles bouleversent le sens communs et qu'elles doivent donc cacher quelque chose de plus fondamental.

Un élément important à prendre en compte est le fait que la physicienne cosmologiste qui étudie l'Univers fait elle-même partie de celui-ci. C'est une situation curieuse en physique où l'observateur fait habituellement en sorte d'étudier un système en le regardant évoluer depuis l'extérieur. Le fait d'être partie intégrante du système, conduit à un raisonnement qualifié d'anthropique (à ne pas confondre avec  "entropique") qui  énonce que si l'être humain Est,  et se pose des questions sur son existence, c'est que l'Univers dans lequel il vit ne peut être que comme cela, puisque s'il était différent, nous ne serions pas là pour nous poser la question !  J'ai le sentiment sans pouvoir l'expliquer clairement que ce principe anthropique est indissociable du fait que la notion de temps commence avec le BigBang; si on appelle "éternité" l'absence de temps, alors on peut imaginer que l'Univers surgit de l'éternité, crée son propre temps et évolue vers n'importe quel état possible.  D'une certaine manière, l'éternité est tellement longue (!) que même ce qui est infiniment improbable arrive toujours...

Une autre façon de voir les choses, mais qui n'est peut-être pas si différente, est d'imaginer qu'il existe un très grand nombre, voire une infinité d'Univers ayant chacun leurs propres lois et constantes physiques. Parmi tous ces Univers, certains ont les bonnes caractéristiques pour évoluer vers un système pouvant engendrer la vie et l'intelligence, d'autres n'ont jamais pu créer les éléments simples et sont dominés par le rayonnement, d'autres encore ont évolué vers  des états inimaginables pour un Humain. Si cette approche est la bonne, notre Univers ne serait alors qu'un élément d'un objet beaucoup plus complexe, le Multivers. Ceci ne fait finalement que prolonger l'aspect "fractal" de l'Univers. Du temps d'Edwin Hubble, les galaxies étaient des univers îles, le Multivers est encore au-delà.

Le numéro d'avril de "Pour la Science" contient un article très intéressant sur ce sujet...

lundi 12 avril 2010

La baleine cosmique

La baleine ou plus officiellement NGC4631 selon la référence du "New General Catalog" est une galaxie située à une trentaine de millions d'années-lumière de la Terre, c'est-à-dire quasiment la banlieue à l'échelle cosmique. C'est une galaxie spirale vue par la tranche. Une petite galaxie satellite elliptique, NGC4627, exerce une influence gravitationnelle qui  déforme NGC4631 et lui donne un aspect assez particulier qui la fait ressembler à une baleine (avec un peu d'imagination). La zone centrale de la galaxie est particulièrement active et constitue une véritable pépinière ou flambée d'étoiles.

La photographie ci-dessous a été prise hier depuis mon jardin. 



L'image finale est un assemblage de 10 poses de 4 minutes réalisées avec mon matériel d'amateur.

Contrairement à une idée répandue, pour faire une telle photo il n'est pas nécessaire de grossir énormément, il s'agit surtout de récolter le maximum de lumière. La taille de cette galaxie vue depuis la Terre est relativement importante ; 17 minutes d'arc dans sa plus grande dimension, soit la moitié du diamètre apparent de la pleine Lune. Notre oeil n'est simplement pas assez sensible pour la discerner.

samedi 3 avril 2010

Cosmologie (1)

La cosmologie est la science qui étudie l'Univers dans son ensemble. L'observation du cosmos fournit tout un ensemble d'indices qui permettent de tenter de remonter le fil de l'histoire et de se rapprocher  des tout premiers instants de notre Univers. D'un point de vue humain, c'est probablement l'entreprise la plus complexe qui puisse être imaginée ; c'est aussi l'une des plus importantes puisqu'elle tente de fournir une explication à notre propre existence.

La cosmologie moderne a pris son essor lorsque Edwin Hubble a réalisé en 1924 que  ce qu'on appelait jusqu'alors "nébuleuses" étaient en fait des  galaxies, des "univers îles" extrêmement éloignés de notre propre monde. Cette découverte donnait du jour au lendemain une nouvelle dimension à l'Univers. La Terre devenait un grain de poussière dans l'immensité.

Peu de temps après, Hubble découvrit que ces galaxies s'éloignent de nous à une vitesse d'autant plus grande qu'elles sont situées à une grande distance. Cette observation étonnante démontrait que nous vivons dans un Univers en expansion, c'est-à-dire que tous les objets qui le composent s'éloignent les uns des autres, l'espace lui-même étant créé au cours de ce phénomène. La conséquence est que, si les objets de l'Univers s'éloignent les uns des autres, cela veut dire que dans un temps reculé, ils étaient bien plus proches et que si l'on remonte suffisamment loin on aboutit à un instant initial où toute la matière de l'univers visible étaient concentrée en un point, extrêmement dense et chaud. C'est cet instant initial que Fred Hoyle nomma Big Bang par dérision, car il n'y croyait pas.

Une autre avancée majeure en cosmologie fut la découverte du fond de rayonnement micro-ondes qui baigne l'ensemble de l'univers : Durant 380 000 ans, l'univers était composé d'une sorte de soupe de particules en interaction constante ; le rayonnement émis lors de ces interactions sous la forme de photons, était immédiatement réabsorbé. En langage simple, cela veut dire que l'Univers était totalement opaque, la lumière ne pouvant pas se propager. A un instant donné, l'Univers en expansion étant suffisamment refroidi, un évènement majeur s'est produit : le rayonnement (la lumière) a pu se propager librement (et la lumière fut !). Ce phénomène s'est produit en même temps et partout à la fois.

Chaque point de l'espace reçoit maintenant et en permanence un flux de photons émis à cet instant précis. C'est la plus vieille lumière de l'Univers, nous ne pouvons voir plus loin. Ce rayonnement  postulé par Ralph Alpher, Robert Hermann et George Gamow en 1940, fut détecté par hasard par Arno Allan Penzias et Robert Woodrow Wilson en 1964. Depuis, plusieurs campagnes d'observation se sont succédées pour l'étudier. Lancé en 1989, le satellite COBE a montré qu'il était d'une très grande homogénéité, tellement grande que cela démontrait que des zones maintenant très éloignées dans l'Univers avaient forcément  dues être en contact les unes avec les autres dans le passé. Cette observation a renforcé de manière éclatante la théorie dite de l'inflation qui prétend que très peu de temps après le Big Bang, l'Univers est entré dans une phase d'expansion fulgurante avant de ralentir. Des mesures plus poussées avec COBE puis plus tard avec WMAP ont montré que cette homogénéité n'était pas parfaite et qu'il y avait de minuscules fluctuations dans ce rayonnement fossile. Celles-ci sont très probablement l'empreinte des fluctuations primordiales d'avant l'inflation et qui ont donné par la suite naissance aux grandes structures que l'on observe dans l'Univers. Un Univers parfaitement symétrique et stable n'aurait jamais pu donner naissance  aux agrégats de matière qui ont par la suite évolués vers les galaxies, amas de galaxies, super amas etc...  Sans ces fluctuations primordiales, nous ne serions pas là.

L'étude initiée par WMAP de la distribution spatiale des fluctuations, et poursuivie actuellement par la mission PLANCK, nous livre des renseignements précieux et ultra-précis sur la composition et l'évolution de l'Univers. L'un des résultats le plus inattendu et confirmé simultanément par d'autres méthodes est que la matière ordinaire, celle dont nous sommes faits, ne représente que 4% de la densité d'énergie de l'Univers, 23% est constituée de matière dite noire car nous ne la percevons pas, et dont la nature est inconnue (même si on a des idées sur ce qu'elle pourrait être), les 73% restant est constituée d'une énergie dite noire qui agit comme une force répulsive sur la matière et qui tend actuellement à accélérer l'expansion de l'Univers.

Il y a 20 ans, on pensait sérieusement que l'expansion de l'Univers pourrait s'arrêter et que la gravitation reprendrait alors le dessus pour re-concentrer  l'Univers dans un Big Crunch qui serait ensuite suivi d'un nouveau Big Bang, et ainsi de suite. C'était une manière pratique d'introduire l'éternité et d'éviter le problème du commencement ! Actuellement, point de Big Crunch en perspective, on parle même parfois d'un Big Rip, c'est-à-dire d'une dislocation complète de l'Univers quand l'énergie noire aura complètement pris le dessus et que la matière sera portion négligeable. La nature de l'énergie noire est inconnue, on suppute qu'elle pourrait être liée à la structure même du vide et que plus l'espace se crée au cours de l'expansion plus l'énergie noire devient importante.

A suivre...

Carte des fluctuations des températures du fond cosmologique mesurées par WMAP (froid = bleu, chaud = rouge). - Crédit NASA.