dimanche 24 juillet 2011

Commence t'on à voir le bout de la queue du Higgs ?

La vie des expériences de physique de particules est rythmée par les conférences d'hiver et surtout d'été. Sortes de grand-messes rassemblant plusieurs centaines de physiciens dont beaucoup ont travaillé d'arrache-pied pour que les collaborations soient prêtes à présenter leurs derniers résultats.

Cette année la grande conférence d'été HEP 2011, organisée par la European Physics Society (EPS) a lieu à Grenoble. Les sessions de vendredi dernier étaient très attendues car les expériences installées sur le collisionneur LHC du CERN devaient présenter leurs premières analyses tentant de mettre en évidence l'existence ou non du boson de Higgs.

La recherche du Higgs s'apparente vraiment à l'exploration minutieuse de bottes de foin pour découvrir quelques aiguilles. La signature de la désintégration du Higgs est noyée dans un bruit de fond gigantesque provenant d'autres processus physiques. Il faut faire appel à des procédure statistiques très complexes de manière à pouvoir extraire le maximum d'informations de la masse d'interactions enregistrées par les détecteurs. Aussi sophistiquées soient les techniques mathématiques, l'interprétation des résultats obtenus reste soumise aux lois de la statistique et on ne pourra jamais parler qu'en terme de probabilités d'avoir observé ou non un phénomène.

La communauté scientifique admet que lorsqu'un signal est observé et que la probabilité pour qu'il s'agisse d'une fluctuation est de l'ordre de 1/000 on parle "d'evidence" au sens anglo-saxon du terme qui est beaucoup moins fort qu'en Français. Pour parler de découverte, il faut que la probabilité pour que le signal observé ne soit qu'une fluctuation statistique soit de l'ordre, ou plus petite que 1 pour 10 millions !

Pour se rendre compte de l'impact réel de ces valeurs, on peut s'imaginer face à la situation où l'on va prendre un risque vital. Personnellement, si j'ai le choix, avec une probabilité de 1 chance sur 1000 d'y laisser ma vie, je ne prends pas le risque. Par contre je peux admettre d'avoir une chance sur 10 millions d'y laisser ma peau !

Les expériences ATLAS et CMS ont toutes deux présenté leurs résultats sur la recherche du Higgs. Pour l'instant aucun signal n'est visible et plusieurs régions en masse sont d'ores et déjà exclues à 99% de niveau de confiance (c'est à dire qu'il reste quand même un petit % de possibilité qu'il soit quand même là). Par contre, les deux expériences observent un excès de collisions présentant des caractéristiques similaires à la production d'un boson de Higgs dans la région de masse comprise entre 130 et 150 GeV.

Pour illustrer la chose, voici une figure présentée vendredi par ATLAS :
Figure présentée par Kyle Cranmer (NYU) à la conférence HEP 2011
à Grenoble. Voir la présentation ici


L'excès observé correspond à la zone indiquée par la flèche, où la ligne noire passe au dessus de la zone jaune.

Pour l'instant, on ne peut donc rien conclure et il faudra attendre que les expériences aient accumulé suffisamment de collisions pour savoir si l'excès se renforce et passe le seuil fatidique permettant d'annoncer une découverte, ou bien si l'excès se dilue dans le bruit de fond.

samedi 16 juillet 2011

L'anneau de la Lyre

Bien haut dans le ciel d'été, la minuscule constellation de la Lyre contient Véga, une étoile blanche, deux fois plus massive que le Soleil et qui forme avec Deneb du Cygne et Altaïr de l'Aigle, le triangle d'été. Non loin de là, se trouve l'un des très beaux objets du ciel profond : la nébuleuse annulaire de la Lyre, découverte en 1779 par l'astronome toulousain Antoine Darquier de Pellepoix et portant la référence M57 dans la catalogue de Charles Messier.

L'anneau de la Lyre est une une nébuleuse planétaire c'est à dire le résultat de l'effondrement d'une étoile relativement peu massive (jusqu'à environ 8 masses solaires) quand celle-ci a fini de brûler son hydrogène et son l'hélium. Lors de cet effondrement, les couches extérieures de l'étoile sont expulsées à très grande vitesse et émettent de la lumière sous l'effet de l'intense rayonnement ultraviolet provenant de ce qui reste de l'étoile. Cette dernière, devenue extrêmement chaude (50 000 à 100 000 Kelvin) et dense (son diamètre est de l'ordre de grandeur de celui de la Terre), continue de briller au centre de la nébuleuse.

Le qualificatif "planétaire" fait référence à l'aspect de ces nébuleuses qui se présentent sous la forme d'un petit disque lorsqu'on les observe avec un petit télescope.

L'image ci dessous est une superposition de 26 poses de 2 minutes chacune. Elle a été réalisée avec un télescope de grande focale (1900 mm) de façon à obtenir un grossissement suffisant pour observer le minuscule anneau avec suffisamment de détails. La présence de la pleine Lune n'est pas favorable pour la photographie du ciel profond et contribue à dégrader l'aspect du fond du ciel. Au centre de l'anneau, on distingue très bien la naine blanche.

dimanche 3 juillet 2011

La nébuleuse Trifide dans le Sagittaire

Durant les belles nuits d'été depuis un point d'observation à l'abri de la pollution lumineuse, on peut observer la voie lactée, magnifique bande nébuleuse qui s'étend de Cassiopée au nord jusqu'au Sagittaire à l'horizon sud en passant par le triangle d'été formé par les étoiles Deneb du Cygne, Véga de la Lyre et Altaïr de l'Aigle.

Le Sagittaire, grande constellation en forme de théière ou de bouilloire (!), indique la zone dans laquelle se trouve le centre de notre Galaxie. C'est donc une région active qui héberge bon nombre d'objets astronomiques intéressants sur le plan scientifique et très esthétiques à observer. Malheureusement, depuis nos latitudes, cette région du ciel n'est visible qu'en été et se trouve très bas sur l'horizon, souvent noyé dans le halo lumineux engendré par l'éclairage aberrant de nos villes.

Pour observer le Sagittaire dans de bonne condition, il faut donc aller dans des endroits protégés et si possible en altitude pour limiter les effets de la turbulence de l'atmosphère.

La nébuleuse Trifide, catalogué en vingtième position dans le catalogue de Charles Messier (M20), est l'un des très beaux objets du Sagittaire.  Il s'agit d'un nuage de gaz qui rayonne sous l'effet de la lumière intense des étoiles environnantes et qui est obscurci en certains endroits par des zones de poussières.

Hier soir, j'ai photographié M20 avec une caméra CCD montée sur une petite lunette de 66 mm d'ouverture pour 400 mm de focale. La caméra était équipée d'un filtre spécial - dit Halpha- afin de faire ressortir les zones de la nébuleuses qui correspondent à une certaine excitation de l'hydrogène qui le fait réémettre dans le rouge. L'hydrogène étant de très loin, l'élément le plus abondant dans l'Univers, de très nombreuses nébuleuses émettent cette radiation bien particulière.

L'image ci-dessous est le résultat de l'accumulation de 30 poses de 4 minutes, soit un total de 2h de pose. La taille de cet objet dans le ciel est équivalente à celle de la pleine Lune, il est malheureusement bien trop peu lumineux pour être observé à l'oeil nu.