mardi 23 mars 2010

Diaspar et Lys

Ce soir je suis tombé par hasard sur cet excellent lien sur la Cité et les Astres: http://blogs.ubc.ca/sciencefictionandthecity/2009/04/11/living-with-the-cyborg-self/
Dans son roman Arthur C. Clarke oppose deux modes de vie radicalement différents:  Diaspar est l'aboutissement de  la civilisation hyper-technologique alors que Lys a privilégié l'intégration dans la nature et le développement de l'esprit.

Diaspar est contrôlée par la calculatrice ultime, qui possède toute la description de la cité et de ses habitants dans ses banques de mémoires. Diaspar est intemporelle, rien ne s'use, la moindre dégradation est immédiatement détectée et l'objet rendu conforme à son modèle mémorisé. Les hommes et les femmes sont également intemporels, ils naissent de la machine, vivent un millier d'année puis retournent dans les banques de mémoires quand ils sont fatigués de la vie ou que les souvenirs encombrent trop leur esprit. La machine les fera renaitre après un temps indéterminé et ils retrouveront petit à petit les souvenirs qu'ils auront voulu conserver. C'est ainsi que la civilisation de Diaspar a acquis l'immortalité.

Lys par contre a conservé le cycle de vie et de mort que nous connaissons aujourd'hui. Les hommes et les femmes sont télépathes, ils tendent vers une société ou chaque être est connecté à l'ensemble des autres et où finalement c'est toute la société qui agit comme un être vivant extraordinairement complexe.

L'immortalité de Diaspar implique son repli sur elle-même, puisque toute interaction avec l'extérieur viendrait forcément bouleverser l'ordre établi et mettre en péril la société. Diaspar est condamnée à vivre en vase clôt. C'est donc par autodéfense que les habitants ont acquis une peur panique du dehors.

Vers quoi tend notre société actuelle ? D'une certaine manière nous sommes en train de constituer les banques de mémoires de Diaspar. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, nous sommes en passe d'avoir la technologie et la capacité pour stocker tout le savoir et la mémoire du monde. Nous ne sommes bien sûr pas encore capable de restituer cette mémoire sous une forme matérielle, mais qui sait si dans mille ans...

D'un autre point de vue, l'hyper communication actuelle tend à nous faire ressembler aux habitants de Lys, pas de télépathie certes, mais bien des informations qui circulent sur les réseaux en temps réel et qui font que même ce soir, depuis ma chambre d'hôtel, je suis en contact avec mes enfants et ceux qui me sont chers.

La société de demain sera peut-être un mélange de Diaspar et de Lys. Acquerrons nous l'immortalité ? Serons nous capable de laisser derrière nous un savoir et une empreinte mentale  tellement précis et tellement bien archivés que le fait d'abandonner notre enveloppe charnelle à la fin de notre vie, sera finalement accessoire et que ce que nous auront de meilleur perdurera ?

lundi 15 mars 2010

Un peu énervé là...

Le résultat du premier tour des élections régionales et en particulier le score du Front National illustre très bien, à mon sens, une double erreur politique de la part du pouvoir en place.

La première erreur a été de croire qu'il suffisait de tenir un discours similaire à celui de l'extrême droite et de prendre des mesures drastiques et très médiatisées à l'encontre des étrangers pour attirer les voix extrémistes. Si on a pu avoir l'illusion que cela fonctionnait lors des législatives, force est de constater que cela ne marche plus et que le Front National est remonté à un niveau proche de celui qu'il avait avant l'élection de Nicolas Sarkozy. L'électorat extrémiste est avant tout un électorat qui est contre par principe, et qui focalise son opposition sur les étrangers ou prétendus tels. L'UMP pourra faire ce qu'elle veut, accepter tous les dérapages et prendre n'importe quelles mesures anti-étrangers, il y aura toujours un électorat extrémiste.

La deuxième erreur est bien plus grave et sera très difficile à réparer. Ayant laissé se développer ce climat délétère en l'entretenant à coup de pseudo débat sur une prétendue identité nationale, à coup de discours inacceptables et de quota d'expulsions; on est arrivé à un point où les idées racistes et xénophobes se sont banalisées. Je suis surpris et triste d'entendre mes enfants rapporter les propos de certains de leurs camarades, qui tiennent  un discours de rejet des autres. Même les enseignants ne peuvent plus redresser cette situation qui les dépasse, puisque le relais des parents n'est plus assuré.

On ne lutte pas contre l'extrémisme en allant déraper sur son terrain. La xénophobie se combat en permanence, sans aucune indulgence, surtout pas de la part du pouvoir en place. Encore une fois, tout cela passe par l'éducation, l'apprentissage permanent de la tolérance et de l'acceptation des autres. Tant qu'on n'aura pas compris cela et qu'on ne l'aura pas mis en œuvre on verra  l'extrémisme se développer et envahir insidieusement toute la société, avec à la clé un vrai risque de chaos.

Il est grand temps de changer de politique, de penser sur le long terme et non pas à l'échéance de la prochaine élection. Il faut mettre la tolérance au cœur de l'éducation. Lors d'un séjour en Californie, notre famille a pu voir ce type d'éducation mise en pratique à l'échelle d'une école, de la maternelle au lycée. La tolérance était une sorte de loi fondamentale par laquelle les élèves étaient tenus de respecter les convictions religieuses, l'origine ethnique ou les orientations sexuelles de leurs camarades (ce dernier point figurait explicitement dans le règlement intérieur). Ce n'était pas que des mots, une grande partie de l'éducation tournait autour de cela et les projets d'écoles mettaient souvent en valeur la richesse de la diversité culturelle.

Le retour en France, fut éprouvant...

mercredi 10 mars 2010

Les lois et l'éducation

La semaine dernière  ma fille a discuté avec moi d'une thèse défendue en cours par son professeur de philosophie. Celui-ci affirmait que l'accumulation des lois dans un pays ou une société était la preuve de l'échec de son système éducatif. Sur le coup j'ai été un peu surpris de cette affirmation, car la justice est un élément fondamental de la démocratie. C'est en s'adressant à une justice indépendante du pouvoir que tout citoyen peut faire valoir ses droits et résister à l'oppression. Toutefois il faut admettre que la justice est plus que la loi et que les lois peuvent être injustes. L'accumulation de lois et la complexification du code pénal n'est pas nécessairement le signe d'une société en bonne santé. Par exemple, on assiste actuellement à un fleurissement de lois de toutes sortes qui viennent restreindre les libertés et qui sont souvent amenée devant le parlement sous la pression de l'actualité. Qu'un criminel récidive et il faut tout de suite que le gouvernement montre qu'il est réactif en proposant un durcissement de la loi. Que quelques burqhas  soient pointées du doigt par les médias en pleine période de pseudo débat sur l'identité nationale et il faut vite légiférer pour les interdire… La justice devrait être la concrétisation de la mesure, du recul, de la hauteur de vue… l'accumulation des lois faisant suite aux gesticulations politiques, est tout l'inverse.

 Idéalement, une société avancée devrait baser l'éducation de ses jeunes sur des notions de respect, de tolérance et de solidarité. Le tout associé au développement d'un fort esprit critique afin d'acquérir une indépendance de pensée, synonyme de liberté et garantie de progrès. La société idéale est en quelque sorte une société ou les lois ne sont pas écrites mais font partie des fondements même de l'éducation. Une société évoluée, dont le système éducatif au sens large, c'est-à-dire pas seulement scolaire, devrait faire évoluer ses citoyens en les tirant vers le haut, de façon à élever leur niveau d'humanité. Dans le même temps, la plupart des lois deviendraient obsolètes et tendraient finalement vers les Tables de la Loi qui ne sont autres que les fondements de l'humanité.

L'accumulation actuelle des lois, traduit notre intolérance et conduit tout droit notre société au totalitarisme. L'abrutissement des enfants, les "valeurs" de profit et de compétition qu'on leur inculquent par l'intermédiaire d'un système perverti  par ceux qui ont acquis le pouvoir, nous entrainent dans une spirale infernale, dont il faudra bien sortir sous peine de décadence.

Voter une loi est facile et rapide, éduquer prend du temps. Pourtant quelle société sera gagnante au bout du compte ? Celle qui réprime et marginalise ? Ou celle qui éduque et intègre ?

Pour un regard critique sur la justice, je vous conseille la lecture du blog de Maître Eolas

lundi 1 mars 2010

L'effet Branly

Lors d'un colloque de physique au Maroc,  un jeune étudiant avait été invité à venir présenter l'expérience qu'il avait réalisée. Il y avait eu une sélection du meilleur projet et cette présentation constituait une sorte de "récompense" permettant à l'étudiant de rencontrer des physiciens, dont certains étaient assez prestigieux d'ailleurs. Je garderai toujours l'image de ce jeune en costume et cravate qui présentait une drôle d'expérience. L'ensemble était monté sur une planche en bois mal rabotée, d'une vingtaine de centimètres de côté. Il y avait une LED, des fils électriques, une pile et un cylindre sommaire rempli de billes métalliques et fermé à ses extrémités par des plaques conductrices connectées au circuit électrique.

Lorsque le jeune ferma le circuit, la LED resta éteinte.

  • Bizarre ! puisque tout était connecté par des éléments métalliques….
  • En réfléchissant un peu on pouvait comprendre qu'en raison de la faible surface de contact entre les billes et de la présence d'oxydation, la résistance du circuit devait être grande et que cela expliquait pourquoi le courant ne circulait pas.

Ceci fait, le jeune étudiant pris un allume-gaz piézo-électrique et fit jaillir quelques arcs électriques à une dizaine de centimètres du montage. Et là... Comme par magie, la LED s'alluma !

  • Je vous laisse imaginer le regard perplexe des spectateurs…

Plus fort encore; notre jeune étudiant se mit à tapoter doucement le tube contenant les billes métalliques, et la LED s'éteignit progressivement…

  • Il y avait maintenant un attroupement autour du jeune et la plupart des physiciens qui étaient là, commençaient vraiment à se demander où était le truc ?

L'expérience fut reproduite plusieurs fois, et à chaque fois la lampe s'allumait avec les arcs électriques et s'éteignait lorsqu'on tapotait sur le tube. Le jeune restait imperturbable, sans doute ravi de l'effet produit mais trop intimidé pour le laisser transparaitre.

L'un des physiciens présents expliqua alors qu'il s'agissait de l'effet Branly, découvert en 1890 par Édouard Branly, physicien et médecin français. L'histoire devint encore plus étonnante quand il nous expliqua que le mécanisme de l'effet Branly était encore inexpliqué de nos jours. Et pourtant, l'effet Branly fut le premier système permettant de transporter un signal d'un point à un autre sans fil. Marconi et Alexandre Popov l'utilisèrent pour réaliser les premiers essais de télégraphie sans fil en 1895.

En 2006, Éric Falcon (Paris 7) et Bernard Castaing (ENS Lyon), démontrèrent finalement que l'effet Branly était dû à un échauffement localisé au niveau des points de contacts entre les billes qui provoquait des microsoudures entre celles-ci, entrainant une chute importante de la résistance électrique du circuit. Le fait de tapoter sur le tube casse les microsoudures, et du même coup provoque la réapparition de la résistance (voir: Pour la Science No 340 de février 2006).

Je trouve fascinant qu'on ait mis plus de cent ans pour établir  formellement le phénomène de microsoudure à l'origine de cet effet qui est tout de même précurseur de la télégraphie sans fil. Il est également étrange que son inventeur ne soit  connu du public que par le quai de Paris qui porte son nom…