lundi 27 juin 2011

Une supernova dans les Chiens de Chasse

Dans la nuit du 31 mai, je suppose que bon nombre de télescopes et lunettes astronomiques d'amateurs étaient pointées vers l'un des plus beaux objets du ciel profond, à savoir la galaxie des Chiens de Chasse, alias le tourbillon, alias M51. Combien d'astronomes amateurs ont noté qu'il y avait une étoile en trop ? Sans doute très peu... La réponse est : au moins quatre, car c'est le nombre de co-découvreurs de la supernova 2011dh, quatre co-découvreurs amateurs, plus rapides que tous les systèmes professionnels de surveillance automatique du ciel.

La supernova a été confirmée peu de temps après par les observatoires professionnels qui ont pu réaliser des spectres de l'étoiles. Ceux-ci ont révélé la présence d'hydrogène, caractéristique d'une supernova de type II et une dominance de l'hélium sur l'hydrogène signature d'un type IIb. L'étoile qui a explosé était donc relativement massive (plus de 8 masses solaires) et l'explosion a coïncidé avec l'effondrement gravitationnel du coeur de fer formé par la fusion thermonucléaire des éléments plus légers. C'est au cours de l'explosion de ce genre d'étoiles que des éléments lourds sont synthétisés puis expulsés dans l'espace.

Personnellement j'avais fait une image de la galaxie M51 au mois de mars 2011:

























J'ai eu l'occasion d'en refaire une samedi dernier :

























Arrivez vous à pointer la supernova ? Pas évident n'est-ce pas ? L'animation ci-dessous, qui alterne l'affichage des deux images alignées l'une par rapport à l'autre, permet de bien voir cette étoile qui s'allume à 31 millions d'années-lumière de la Terre.

samedi 18 juin 2011

T2K

J'ai déjà parlé des neutrinos il y a quelques temps (voir ici et ). Les neutrinos sont donc des particules élémentaires dotées d'une très faible masse et dépourvues de charge électriques. Ils interagissent si peu avec la matière qu'ils peuvent traverser la Terre de part en part sans en être perturbés. Dans le modèle standard de la physique des particules, les neutrinos existent sous trois formes différentes appelées saveurs, chacune associée à une particule chargée - les électrons, les muons et les taus - l'ensemble formant la famille des leptons. Les neutrinos peuvent donc être du genre électronique, muonique ou tauique. Un neutrino électronique interagissant avec la matière par l'intermédiaire du processus physique appelé courant chargé va produire un électron, un neutrino muonique produira un muon et un neutrino tauique … un tau !

En 1998, les résultats de l'expérience super-Kamiokande ont confirmé la possibilité pour les neutrinos de changer de saveur au cours de leur trajet. Ce phénomène étrange, possible uniquement dans le cadre de la mécanique quantique est nommé : oscillation. Dans le but de simplifier et moyennant quelques accrocs à la rigueur scientifique, on peut dire que la probabilité d'oscillation d'une saveur de neutrino vers une autre dépend du rapport L/E, c'est-à-dire de la distance de vol du neutrino divisée par son énergie, de la différence de masse au carré des neutrinos mis en jeu et d'angles caractéristiques du mélange entre les différents neutrinos.

Jusqu'à récemment le phénomène d'oscillation n'avait été mis en évidence qu'en constatant la disparation de neutrinos d'une saveur donnée et d'énergie connue, après une certaine distance de vol. Au printemps 2010, l'expérience OPERA  a observé l'apparition probable d'un unique neutrino de type tau dans un faisceau de neutrinos de type muon produit au CERN à 730 km du détecteur et traversant la croute terrestre pour resurgir dans le laboratoire souterrain du Gran Sasso en Italie.

Il ya quelques jours, l'expérience T2K (raccourci pour Tokai to Kamiokande) a annoncé l'observation de 6 neutrinos électroniques dans un faisceau de neutrinos muoniques ayant parcouru 295 km entre l'accélérateur situé à Tokaï et le détecteur géant : super-Kamiokande. Les modélisations prédisent la détection de 1.5 neutrinos électroniques en l'absence d'oscillation ; la détection de 6 neutrinos est donc une indication forte pour l'existence d'une oscillation de la saveur muonique vers la saveur électronique, mais la signification statistique du résultat n'est pas encore suffisante pour annoncer une observation sans ambiguïté du phénomène.

Les physicien sont donc tenus en haleine en attendant un résultat portant sur une plus grande statistique, malheureusement l'accélérateur du complexe J-PARC à Tokaï qui produit le faisceau de neutrinos muoniques a subit des dommages lors du tremblement de terre de mars 2011 et ne pourra pas être remis en service avant la fin de l'année.

Avec OPERA et surtout T2K, la physique des neutrinos passe un cap important. L'enjeu est de taille, puisque dans ce mécanisme de mélange entre neutrinos, se cache peut-être l'explication de l'origine de l'asymétrie entre la matière et l'antimatière dans l'Univers, mais il faudra encore beaucoup de temps, d'énergie et d'astuce pour arriver à démêler l'écheveau complet de la physique des neutrinos.