samedi 18 juin 2011

T2K

J'ai déjà parlé des neutrinos il y a quelques temps (voir ici et ). Les neutrinos sont donc des particules élémentaires dotées d'une très faible masse et dépourvues de charge électriques. Ils interagissent si peu avec la matière qu'ils peuvent traverser la Terre de part en part sans en être perturbés. Dans le modèle standard de la physique des particules, les neutrinos existent sous trois formes différentes appelées saveurs, chacune associée à une particule chargée - les électrons, les muons et les taus - l'ensemble formant la famille des leptons. Les neutrinos peuvent donc être du genre électronique, muonique ou tauique. Un neutrino électronique interagissant avec la matière par l'intermédiaire du processus physique appelé courant chargé va produire un électron, un neutrino muonique produira un muon et un neutrino tauique … un tau !

En 1998, les résultats de l'expérience super-Kamiokande ont confirmé la possibilité pour les neutrinos de changer de saveur au cours de leur trajet. Ce phénomène étrange, possible uniquement dans le cadre de la mécanique quantique est nommé : oscillation. Dans le but de simplifier et moyennant quelques accrocs à la rigueur scientifique, on peut dire que la probabilité d'oscillation d'une saveur de neutrino vers une autre dépend du rapport L/E, c'est-à-dire de la distance de vol du neutrino divisée par son énergie, de la différence de masse au carré des neutrinos mis en jeu et d'angles caractéristiques du mélange entre les différents neutrinos.

Jusqu'à récemment le phénomène d'oscillation n'avait été mis en évidence qu'en constatant la disparation de neutrinos d'une saveur donnée et d'énergie connue, après une certaine distance de vol. Au printemps 2010, l'expérience OPERA  a observé l'apparition probable d'un unique neutrino de type tau dans un faisceau de neutrinos de type muon produit au CERN à 730 km du détecteur et traversant la croute terrestre pour resurgir dans le laboratoire souterrain du Gran Sasso en Italie.

Il ya quelques jours, l'expérience T2K (raccourci pour Tokai to Kamiokande) a annoncé l'observation de 6 neutrinos électroniques dans un faisceau de neutrinos muoniques ayant parcouru 295 km entre l'accélérateur situé à Tokaï et le détecteur géant : super-Kamiokande. Les modélisations prédisent la détection de 1.5 neutrinos électroniques en l'absence d'oscillation ; la détection de 6 neutrinos est donc une indication forte pour l'existence d'une oscillation de la saveur muonique vers la saveur électronique, mais la signification statistique du résultat n'est pas encore suffisante pour annoncer une observation sans ambiguïté du phénomène.

Les physicien sont donc tenus en haleine en attendant un résultat portant sur une plus grande statistique, malheureusement l'accélérateur du complexe J-PARC à Tokaï qui produit le faisceau de neutrinos muoniques a subit des dommages lors du tremblement de terre de mars 2011 et ne pourra pas être remis en service avant la fin de l'année.

Avec OPERA et surtout T2K, la physique des neutrinos passe un cap important. L'enjeu est de taille, puisque dans ce mécanisme de mélange entre neutrinos, se cache peut-être l'explication de l'origine de l'asymétrie entre la matière et l'antimatière dans l'Univers, mais il faudra encore beaucoup de temps, d'énergie et d'astuce pour arriver à démêler l'écheveau complet de la physique des neutrinos.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire