vendredi 25 juin 2010

Le cerveau quantique

Une discussion récente avec un collègue m'a incité à me pencher sur un sujet hautement spéculatif mais que j'ai trouvé fascinant tant il bouleverse les conceptions habituelles.


Bien que les neurosciences aient grandement progressées ces dernières années, il faut bien admettre que les mécanismes de la mémoire et de l'intelligence sont largement inconnus. Sans être neurophysiologiste et au risque de faire hurler les spécialistes, il me semble que l'idée communément admise est que les mécanismes de la pensée apparaissent quand le réseau de neurones qui constitue le système nerveux atteint une complexité suffisante. La capacité de penser et de mémoriser viendrait donc de la multiplicité des neurones et de leurs interconnexions. Personnellement j'ai toujours trouvé cette idée assez peu convaincante et j'ai du mal à comprendre le mécanisme qui ferait qu'au-delà d'une certaine complexité, un système acquerrait subitement la capacité de faire émerger une pensée.

Les auteurs de la publication disponible ici, expliquent que bien que certaines régions du cerveau, telle que l'hippocampe, soient plus spécifiquement impliquées dans le processus de résurgence d'un souvenir, il semble que plusieurs zones distantes s'activent simultanément sans que l'on comprenne comment elles peuvent être reliées entre-elles. En effet, la communication entre les neurones passe par des processus chimiques impliquant des neurotransmetteurs, qui sont par définition lents.

L'explication avancée repose sur un principe quantique de base bien connu et qui a été vérifié à de nombreuses reprises: On s'arrange pour produire un couple de particules qui forment un état quantique intriqué (c'est-à-dire que les états de bases sont superposés). Tant que le système reste intriqué, il est impossible de connaitre l'état de chacune des composantes du système, la question n'a même pas de sens. Par contre dès que l'on fait une mesure sur l'une des particules, l'état de la deuxième est instantanément fixé, même si les deux particules sont éloignées par des années-lumière.

On voit tout de suite la liaison avec le fait que la résurgence de la mémoire semble déclencher des réactions simultanées en différents points du cerveau. Un stimulus extérieur qui nous rappelle un souvenir déclenche en fait une "mesure" sur un ensemble de neurones, qui fixe instantanément l'état de neurones distants des premiers.

D'autre part, bien que cette science ne soit encore que balbutiante, on sait qu'il est possible d'effectuer des opérations logiques en manipulant des états quantiques intriqués appelés "qubits", il est même probable que l'avenir de l'informatique passe par là. Les auteurs de la publication avancent que le cytosquelette des neurones et les protéines associées serviraient de support à l'information quantique. La tubuline constituant les microtubules du cytosquelette ayant la faculté de basculer entre deux états en fonction de certains paramètres physiques. Le cerveau fonctionnerait finalement comme un ordinateur quantique.

Personnellement, je trouve que cette idée, comme quoi toutes nos pensées se trouvent dans un état latent dans notre cerveau et qu’un stimulus suffit à les matérialiser, est assez élégante et proche de ce que je ressens.

Si cette approche très spéculative est bonne, cela voudrait dire que l'origine de la pensée serait physique et non pas biologique, les tissus biologiques ne seraient finalement qu'un support, permettant d'organiser l'information quantique. En allant encore plus loin on pourrait se demander si le support biologique est le seul possible et si la pensée ne pourrait pas émerger dans des conditions complètement différentes de celles qui existent pour les processus vivants ?

Vertigineux non ?

5 commentaires:

  1. J'ai un peu de mal avec la publication que tu donnes en lien: Apparemment, pas de journal, les photos ne sont pas travaillées et il y a même le nom de la personne qui a pris la photo sur l'une d'elles. Cette publication ne me semble pas sérieuse.

    Par contre le concept est intéressant et comme tu le dit élégant.
    Une question: Comment et ce qu'un systeme quantique revient à son état de "repos" une fois modifié?

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  2. Dans notre domaine, on appelle ça un "preprint". Il est référencé dans arxiv: http://arxiv.org/abs/quant-ph/0007088 et apparemment c'est une contribution à une conférence: PROC. ACAD. ATHENS, 74 A (1999)

    Du point de vue sérieux, D. Nanopoulos est un physicien théoricien connu et reconnu.

    Une autre référence: http://xxx.lanl.gov/abs/hep-ph/9505374

    Vu le côté hautement spéculatif de la chose, je suppose qu'il n'est pas aisé de publier dans Nature :-)

    Sinon, ta question sur le retour au repos du système est bonne.... Je n'en ai aucune idée.

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  3. Merci pour les explications sur la publication.
    Je me mefie toujours des papiers qui ne sont pas estampilles avec le nom d'un journal a comite de lecture serieux :-).

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  4. Si on suit l'analogie avec les particules intriquées, on peut se dire qu'un stimulus extérieur déclenche une "mesure" des qubits dans le cerveau, et donc, comme tu dis, fait émerger des infos "proto-pensées". On peut aussi supposer que, à l'instar des intriqués qui sont liés malgré la distance, le couple de particule-pensée n'est pas forcément réuni dans le cerveau, je veux dire ensemble. Si deux intriqués peuvent fixer leur état en étant séparés par des kilomètres, pourquoi une "proto-pensée" émergerait à quelques centimètres de sa voisine dans une autre région du cerveau, et pas bien plus loin de cette dernière, à l'extérieur du corps même, dans le cerveau de quelqu'un d'autre (je suis généralement sceptique vis-à-vis de la télépathie mais bon, pourquoi pas?) voire, dans un de ces autres supports de pensée dont tu nous parle à la fin de ton article?
    Soyons fous deux minutes. Qu'est-ce qui nous dit que nos pensées nous "appartiennent"? Peut-être n'en possédons-nous que la moitié, une seule des particules du couple d'intriqués, et que quelque part donc, la deuxième est chez quelqu'un d'autre (grands romantiques, pensons aux âmes soeurs de platon, séparées par Zeus // je pense aussi à ces histoires de réalités parallèles où des copies de nous-mêmes évoluent -reste à savoir de quel "côté" a lieu le stimulus), voire dans quelque "chose" d'autre. Tirons encore plus l'idée par les cheveux : qu'est-ce qui nous prouve que nos "proto-pensées" émergent à la suite d'un stimulus précis capté par notre corps, si nos "proto-pensées-soeurs" se baladent dans la nature? Le stimulus peut très bien s'appliquer à l'entité où réside la jumelle de notre "proto-pensée", fixant de fait l'état quantique de la seconde en fonction du stimulus de la première (cher Descartes, on peut donc vraiment douter de tout sauf de son propre être, ou au moins son demi-être?), une entité subirait le stimulus, "relayant" l'information à la deuxième. Yumeno Kyusaku dit que le cerveau n'est pas le siège de la pensée, qui sait? Arrivent foule de questions : sommes-nous nous-même ou une copie de nous-même? Percevons-nous réellement notre environnement? Pouvons-nous penser à l'extérieur de notre corps? Peut-on piloter un avatar bleu sur une planète étrange tandis que notre corps roupille tranquillement dans un frigo? Peut-on couper un morceau de son âme pour le placer dans un horcruxe afin que, si un bout lâche, l'autre sera toujours là pour tuer Harry Potter? Clôture de la parenthèse divagations. Tout ça pour dire que ce concept me plaît beaucoup, et que, avéré ou non, notre cerveau nous réserve des surprises passionnantes - et oui, un jour nous pourrons entrer dans la matrice, j'y crois :)

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  5. Superbe commentaire ! En effet, cette idée de cerveau quantique laisse entrevoir tout un tas de possibilités toutes plus fascinantes les unes que les autres.
    Maintenant sans vouloir jouer les rabats joie, il faut aussi réaliser que si les pensées émergent à partir d'états quantiques intriqués, il a bien fallut que quelque chose les intrique au départ. La question est donc de savoir quoi et comment ?

    Ceci dit, on peut laisser voguer notre imagination, et les idées que tu avances ici sont fascinantes.

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