Il y a un peu moins
de deux mois, la collaboration OPERA soumettait à la critique de la communauté
de physique une mesure du temps de propagation des neutrinos entre le CERN et
le laboratoire souterrain du Gran Sasso dans les Abruzzes en Italie, soit une
distance d'environ 730 km. Le résultat annoncé est très surprenant puisqu'il
indique que les neutrinos arrivent environ 60 nanosecondes (ns) plus tôt que
s'ils voyageaient à la vitesse de la lumière dans le vide. Depuis, de
nombreuses contributions ont été apportées par les physiciens pour tenter
d'expliquer le résultat ou bien pour pointer une possible source d'erreur. Pour
l'instant aucune faille dans la procédure de mesure n'a pu être mise en
évidence.
L'un des points
délicats de la mesure concerne la structure temporelle du faisceau de
neutrinos. En effet, les neutrinos sont produits lors de la désintégration de
pions ou de kaons, eux même issus de l'interaction d'un faisceau de proton sur
une cible. Le faisceau de protons initial est pulsé, chaque bouffée de protons
s'étalant sur un intervalle de 10.5 microsecondes. A l'intérieur de cet
intervalle, la densité de proton n'est pas uniforme et possède une structure
formant cinq pics.
Lorsqu'un neutrinos
est détecté dans OPERA, il est facile d'identifier à quel pulse de proton il
appartient mais il est impossible de savoir à quel moment du pulse de 10.5
microsecondes il a été engendré. On comprend donc la difficulté de la mesure
puisqu'il faut mesurer le temps de propagation des neutrinos avec une
précisions de quelques nanosecondes alors que l'instant d'émission du neutrino
peut se trouver n'importe où dans une fenêtre de 10.5 microsecondes. La
collaboration OPERA s'en sort grâce à la statistique ; en effet, si l'on
observe un grand nombre de neutrinos dans le détecteur OPERA on doit retrouver
la structure en temps du faisceau de proton, c’est-à-dire la forme du pulse de
10,5 microsecondes. Les physiciens mesure donc
le temps d'arrivé des neutrinos, par rapport à un signal temporel
parfaitement calé sur le début du pulse de protons. La distribution en
temps des neutrinos enregistrée sur une longue période est ensuite ajustée par
rapport à la forme des pulses de protons.
On comprend aisément
que cette procédure complexe ait été pointée comme une possible source
d'erreurs. On peut en effet imaginer des effets subtils qui modifient la
forme effective des bouffées de neutrinos, comme par exemple un échauffement de la cible qui modifie la géométrie de celle-ci au cours des 10.5
microsecondes d'exposition au faisceau de protons.
Structure temporelle du faisceau de protons utilisé pour refaire la mesure du temps de propagation des
neutrinos (source : http://tinyurl.com/c7af9oj )
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Afin d'éclaircir ce
point, le CERN a mis au point un faisceau de neutrinos avec une structure
temporelle totalement différente. Dans celle-ci les protons forment des pulses
de 3 nanosecondes de large et espacés de 524 nanosecondes. Il est alors
possible de mesurer précisément le temps de propagation de chaque neutrino
détecté au Gran Sasso puisque l'incertitude sur son temps d'émission n'est que
de quelques nanosecondes. Pour des raisons techniques, un tel faisceau est
environ 60 fois moins intense que le faisceau initial possédant une structure
en pulse de 10.5 microsecondes, mais le fait que le temps de propagation de
chaque neutrino puisse être mesuré permet de se satisfaire d'une statistique
bien plus faible que lors de la première mesure.
En deux semaines de
prise de données, OPERA a pu identifier et mesurer 20 interactions de neutrinos
qui confirment parfaitement le premier résultat. La mesure obtenue correspond à une avance
des neutrinos par rapport au temps prédit pour une propagation à la vitesse de
la lumière dans le vide de 62.1 nanosecondes
avec une incertitude de 3.7 nanosecondes.
Le mystère reste
donc entier et à ce jour il n'y a aucune explication à ce phénomène. L'annonce d'une
découverte aussi fondamentale nécessitera une confirmation de la part d'une
expérience indépendante. La collaboration MINOS aux États-Unis est parait-il en
train de préparer une mesure, mais il faudra être patient car une telle étude nécessite une compréhension totale des conditions expérimentales.
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