La physique des particules ou physique des hautes énergies met en œuvre des appareillages
géants, probablement les plus complexes et les plus sophistiqués qui puissent
être conçus. Cette complexité vaut à la physique des particules d'être classée
sous l'appellation un peu réductrice de "big science" et d'être
parfois dénigrée par certains chercheurs qui considèrent que le gigantisme
expérimental tue le sens physique. Bien que ce jugement de valeur n'ait à mon
avis pas beaucoup de sens et traduise une méconnaissance de la réalité, il faut
reconnaitre que cette "big science" s'accompagne d'une méthodologie
et d'une sociologie bien particulière. Il faut en effet mettre en place une
organisation sans faille pour mener à bien de tels projets, impliquant de très
nombreuses personnes d'origines diverses et des budgets conséquents.
Cette note
et la (ou les) suivante(s) présenteront quelques aspects de ces grandes
expériences.
Comme mis en avant
par le laboratoire Fermi aux États-Unis, les expériences sur les accélérateurs
de particules visent en principe à repousser deux types de frontières :
- La frontière de l'énergie, où il s'agit de pousser l'énergie de collision au maximum afin d'explorer des domaines d'énergies correspondant à des phénomènes ayant eu lieu dans l'Univers à des périodes proches du Big-Bang.
- La frontière de l'intensité, où il s'agit pour un domaine d'énergie donnée - situé en deçà de la frontière en énergie - pousser l'intensité des faisceaux au maximum de manière à obtenir le plus grand nombre possibles de collisions et ainsi de mettre en évidence des phénomènes très rares.
L'histoire de la
physique des particules et de ses découvertes est une succession d'avancées au
niveau de ces deux frontières.
Lorsque l'on veut
construire un accélérateur, se pose la question du choix de la particule à
accélérer. On ne dispose actuellement que de deux choix pratiques : le proton
et l'électron, chacun associé à leur antiparticule. Dans les accélérateurs
circulaires, les particules perdent une partie de leur énergie par rayonnement synchrotron proportionnellement à leur énergie et à l'inverse de la puissance
quatrième de leur masse. L'électron étant environ 2000 fois moins massif que le
proton, à énergie égale, celui-ci va rayonner 16 000 milliards de fois plus ! A
chaque tour d'accélérateur, il faudra donc compenser cette perte en
communiquant une énergie encore plus grande. On comprend donc qu'il est plus
intéressant d'accélérer des protons lorsqu'on veut repousser la frontière de
l'énergie.
Malheureusement les
protons ont le gros désavantage de ne pas être élémentaires. Les protons sont
des objets complexes constitués de quarks et de gluons qui possèdent leur
dynamique propre à l'intérieur du proton. À grande énergie, une collision
proton-proton ou proton-antiproton est en fait une interaction entre les quarks
et/ou les gluons. L'énergie totale disponible se distribue entre les
constituants du proton et l'énergie utile lors de la collision est divisée par
environ 6 (le nombre de quarks constituant les deux protons). D'autre part, le
produit de la collision est complexe et les effets intéressants du point de vue
de la physique sont dilués dans "soupe" de particules de basse énergie qui brouillent le résultat. Cette "soupe" provient des
interactions "molles" des autres constituants élémentaires des
protons.
Les machines à
protons comme le Tevatron aux États-Unis ou le LHC au CERN sont typiquement des
machines de découvertes. En poussant l'énergie des collisions, les physiciens
explorent des territoires inconnus. C'est avec ce type de machine que la chasse
au boson de Higgs ou aux particules supersymétriques s'effectue.
À l'inverse, les
électrons sont des particules élémentaires, l'état initial lors de la collision
est parfaitement connu, de même que l'énergie disponible. Cette énergie est
d'ailleurs ajustable très finement ce qui permet d'explorer un domaine
d'énergie spécifique. Les machines à électrons sont typiquement des outils pour
l'étude de précise de certains phénomènes.
Le LEP a ainsi été qualifié de machine de métrologie pour les particules
Z et W.
Bien souvent la
découverte d'un nouveau mécanisme a lieu sur un collisionneur de proton et son
étude est faite sur une machine à électrons. Ainsi, la découverte des bosons W
et Z, médiateurs de la force électrofaible, a eu lieu en 1983 sur le SppS
(Super proton antiproton Synchrotron) au CERN. Ces deux particules ont ensuite
été étudiées en détails sur le LEP (Large Electron Positron collider). Il en
sera sans doute de même pour le Higgs, qui s'il est découvert avec le LHC, sera
produit abondamment et mesuré avec le futur collisionneur linéaire d'électrons.
La luminosité est
une grandeur caractéristique des collisionneurs qui mesure leur capacité à
produire des collisions exploitables pour la physique. Lorsque l'on pousse la
luminosité à des valeurs extrêmes, les collisionneurs deviennent de véritables "usines"
à particules et on les désigne de la sorte. Les machines PEPII au SLAC en
Californie et KEKB au Japon ont ainsi été des usines produisant des mésons B
(particule constituée d'un quark b et d'un autre quark léger) qui ont permis
d'étudier en détail les asymétries entre matière et antimatière (violation de la symétrie CP). Les usines permettent également d'accumuler des statistiques
considérables et ainsi de mettre en évidence des phénomènes très rares pouvant
révéler l'existence d'une nouvelle physique.
La mise en œuvre
d'un nouveau programme de recherche en physique des particules commence donc la
plupart du temps par la conception d'une machine adaptée (ou la réutilisation
d'une machine existante, si les caractéristiques de celle-ci le permettent).
À suivre...
La violation CP des kaons n'affecte pas la symétrie matière-antimatière. Celle-ci est une condition intangible de symétrie parfaite. LA violation CP trahit la chiralité locale du vide qui est causée par la fausse symétrie CP entre proton et électron. Le modèle OSCAR détaille cela dans un faisceau de contraintes assez vaste.
RépondreSupprimerDominique MAREAU