Aujourd'hui est un triste de jour : Pier Oddone, le directeur du Fermi National Accelerator Laboratory plus connu sous le nom de Fermilab, vient d'annoncer qu'il n'avait pas pu obtenir les crédits nécessaires au fonctionnement de l'accélérateur Tevatron et que celui-ci s'arrêterait donc définitivement à la fin de l'année 2011. Cette décision va à l'encontre de l'avis du très sérieux HEPAP (High Energy Physics Advisory Panel) qui avait recommandé de faire fonctionner cet accélérateur jusqu'à la fin 2013. Au-delà des difficultés budgétaires, il est probable que l'excellent fonctionnement du LHC en 2010 et la très probable décision de ne pas procéder à l'arrêt technique initialement prévu en 2012 a dû contribuer à pousser Fermilab à stopper le Tevatron.
Le bâtiment principal de Fermilab et le lac |
Le Tevatron accélère en sens inverse un faisceau de protons et un faisceau d'antiprotons et les fait entrer en collision au centre de deux grands détecteurs : CDF et D0. L'énergie de chacun des faisceaux est de pratiquement 1 TeV (Tera électronVolt) soit l'énergie acquise par un électron soumis à une différence de potentiel de 1 million de milliards de volts. C'est à cette énergie, quelque peu mythique lors de sa construction, que fait référence son nom.
Le Tevatron a été une machine d'avant-garde, entièrement constituée d'éléments supraconducteurs. Il y a en effet près d'un millier d'aimants en alliage niobium-titane capable de fournir le champ magnétique intense nécessaire au guidage des faisceaux. Les débuts furent difficiles et je me souviens de collègues partis en séjour postdoctoral à Fermilab et qui sont revenus en France sans avoir vu le faisceau. Mais une fois la machine au point, les deux collaborations internationales CDF et D0 ont fourni une moisson de résultats de physique dont la découverte en 1995 du "top", dernier élément de la famille des quarks.
Avec le démarrage du LHC an 2009, la compétition entre le CERN et Fermilab pour la découverte du Higgs était lancée. Aujourd'hui le Higgs n'est pas encore découvert mais le LHC, au CERN, avec son énergie supérieure, s'annonce mieux placé pour le découvrir. C'est peut-être une excellente opportunité pour l'Europe scientifique, mais c'est un déchirement de voir une aussi belle machine s'arrêter. J'ai vécu personnellement l'arrêt de deux grands accélérateurs, le LEP au CERN et PEP II au SLAC, ce ne sont pas des bons souvenirs...
Fermilab doit maintenant rebondir et assurer au mieux son ambitieux programme de recherche sur la physique des neutrinos. D'autres projets sont à l'horizon, notamment avec "Project X" qui vise à réaliser un accélérateur de protons à très haute intensité (et non pas énergie), brique de base vers une nouvelle génération d'expériences sur les neutrinos et de façon ultime vers un collisionneur de muons. Heureusement les coupures budgétaires ne brident pas l'imagination des physiciens et gageons que ceux-ci sauront se montrer suffisamment convaincants pour trouver les moyens de concrétiser leurs plus fantastiques idées.
Quelle différence entre haute énergie et haute intensité ?
RépondreSupprimerFermilab s'associe donc avec les frères Bogdanov (projet X) ? :)
Contrairement aux apparences je ne me pose pas des questions à moi même... je réponds donc à ma chère et tendre...
RépondreSupprimerHaute énergie fait référence à l'énergie des particules individuelles qui composent le faisceau. Pour augmenter l'énergie on accélère plus fort !
Haute intensité fait référence au nombre de particules qui circulent dans les faisceaux. On peut donc avoir un faisceau de basse énergie, mais très intense.
Très souvent on cherche des phénomènes rares, on augmente donc le nombre de collisions (donc de particules) afin d'avoir plus de chance d'observer une collision intéressante.
Sur son site Web: http://www.fnal.gov/pub/science/frontiers/ Fermilab parle des 3 frontières: la frontière de l'énergie, la frontière de l'intensité et la frontière de la physique cosmique. Pour progresser dans la connaissance, il faut faire reculer les 3.