vendredi 24 décembre 2010

Théories physiques et représentations du monde (2)

L'émergence des nouvelles théories de la physique moderne au XXe siècle, avec les relativités (restreinte et générale) et la mécanique quantique, s'est accompagnée d'une complexification considérable de la représentation des mondes qu'elles décrivent.
Les concepts de mécanique classique ne posent aucun problème de compréhension car ils décrivent le plus souvent le comportement d'objets courants, macroscopiques, évoluant à des vitesses humainement concevables... Il est facile d'imaginer ou de réaliser des expériences qui en illustrent les principaux aspects et les effets observés heurtent rarement le sens commun.

La représentation de la mécanique céleste commence déjà à poser quelques problèmes. Il faut, par exemple, admettre que des corps massifs interagissent entre eux grâce à une force de portée infinie et proportionnelle à la masse des corps en question.  Il faut également admettre qu'un corps mis en mouvement dans le vide et soumis à aucune force va conserver ce mouvement indéfiniment. C'est logique quand on y pense, mais ce n'est absolument pas intuitif si on se réfère aux situations de la vie courante où les frottements tendent à stopper tout mouvement après un temps relativement court à l'échelle humaine.

Le problème se complexifie considérablement avec les relativités et la mécanique quantique car ces théories décrivent  des situations que nous n'observons pas dans la vie courante. Par exemple pour un Être Humain normalement constitué, le temps est absolu : il s'écoule du passé vers le futur  de la même manière en tout point du globe et quelques soient les conditions dans lesquelles on se trouve. La vie courante est construite autour de ces principes et les horloges synchronisées à quelques fractions de seconde près rythment notre existence. La notion de relativité du temps en fonction du référentiel dans lequel se trouve l'observateur bouleverse le sens commun. De même, la représentation quantique d'une particule dont on ne peut pas dire à coup sûr qu'à tel moment elle se trouve à une position donnée et qu'elle est animée d'une vitesse précise, est difficilement concevable. Même les plus grands physiciens ont eu du mal avec ces notions, à tel point que certains n'ont jamais cru à la véracité de la théorie quantique. Il est vrai que jusqu'au début du XXe siècle, on était persuadé du caractère déterministe de la physique ; une "bonne" théorie se devait donc de pouvoir prédire à coup sûr des grandeurs comme la vitesse ou la position d'un objet pour peu que l'on connaisse les conditions initiales du système et les forces mises en jeu.

Le fond du problème est notre difficulté, voire notre incapacité à construire une représentation du monde différente de celle que nous percevons dans notre quotidien. Quoiqu'on  fasse, on aura toujours un mal fou à se représenter une particule autrement que comme une petite bille et un atome autrement que sous la forme d'un système planétaire dans lequel le noyau joue le rôle du Soleil et les électrons celui des planètes. Si vous demandez à des physiciens de vous expliquer ce qu'est le spin d'une particule, il y a fort à parier que la majorité d'entre eux répondront que c'est une quantité qui caractérise le fait qu'une particule tourne sur elle-même dans un sens ou dans l'autre ! Cette représentation du spin n'a rien à voir avec la réalité ; elle ne sert qu'à tenter de mettre une image sur des propriétés physiques qui n'ont aucun équivalent dans notre monde macroscopique. 

Le besoin de mettre des images sur des phénomènes physiques va très loin. C'est ainsi que les physiciens des particules ont inventé la notion de "charge de couleur" pour les quarks. Chaque quark est ainsi affublé d'une couleur arbitraire, un ensemble de quarks composant une particule devant globalement être neutre au niveau des couleurs. Par exemple, un baryon (proton, neutron,…) est composé de 3 quarks obligatoirement de couleurs différentes afin que la résultante soit blanche. Bien entendu, ces couleurs sont des représentations mentales d'une réalité qui est toute autre.

A partir d'un certain niveau de complexité, il devient très difficile de construire des représentations mentales cohérentes et seules les mathématiques permettent de décrire fidèlement les phénomènes physiques. Cet état de fait peut semer le doute chez les non spécialistes qui ne voient dans ces théories qu'un édifice mathématique abscons alors qu'il s'agit bien d'une représentation (parfois imparfaite) de la réalité. De même, une prédiction découlant de calculs mathématiques, aussi surprenante soit-elle, doit être considérée comme la manifestation d'une réalité si l'expérience la confirme.

La grande question qui se pose, et à laquelle je n'ai pas de réponse, est : Pourquoi les mathématiques sont ce qu'on a trouvé de mieux pour représenter le monde ? Y a-t-il là quelque chose de fondamental ? Les mathématiques sont-elles le fondement même de l'Univers, ou n'est-ce qu'un pis-aller pratique qui pourrait être détrôné par une autre approche qui s'imposera quand l'Humain aura atteint un niveau de conscience supérieur ?

2 commentaires:

  1. Je me suis toujours posé une question sur les phenomenes quantiques vs phenomenes macroscopiques.

    Postulat:
    Tout est ce qui est macroscopique est constitue d'une multitude de "particules quantiques".

    Question:
    Pourquoi est ce que les theories quantiques ne s'appliquent pas (ou ne sont pas utilisees)dans le monde que nous connaissons vu qu'il est constitue de ces particules infiniment petites?

    Elles ne s'appliquent pas car (1) elles deviennent trop complexes en terme de calcul ou (2) elles ne s'appliquent simplement pas?
    Si 2 est vrai, pourquoi?

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  2. Dans le cas d'un objet complexe constitué d'une multitude d'états quantiques en interaction avec leur environnement, il se produit un phénomène dit de "décohérence" qui en quelque sorte dilue le comportement quantique. A noter que l'objet n'a pas forcément besoin d'être très complexe pour que cela se produise, il suffit que quelques états quantiques superposés soit en interaction avec le milieu extérieur pour que la décohérence se produise au bout d'un certain temps.
    La réalisation d'ordinateurs quantiques suppose que l'on sera capable de maintenir a cohérence pendant un temps suffisamment long.

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