Historiquement la science a souvent été l'apanage d'une certaine élite de la société. La science était l'affaire de penseurs qui élaboraient une certaine vision du monde que finalement peu de personnes pouvaient comprendre. Du temps des grecs je doute que l'homme ou la femme de la rue se préoccupait des réflexions scientifico-philosophiques des penseurs. Avec la révolution technologique, la science est devenue de plus en plus populaire puisqu'elle était directement à la source de l'innovation. Durant la seconde guerre mondiale, les politiques ont fait appel aux scientifiques pour la mise au point de l'arme nucléaire avec le projet Manhattan. Ce fut là je pense la première implication directe des scientifiques dans un projet d'envergure commandité par le monde politique. Depuis, science, politique et société, ont vu leurs interactions se développer sans cesse.
Au cours du 20ème siècle la science s'est démocratisée et c'est tant mieux. L'émergence du web a permis à toute une communauté d'amateurs de sciences d'échanger des idées et de commenter les avancées scientifiques au travers de forums. C'est certainement une très bonne chose en soit, mais malheureusement le système éducatif n'a pas suivi et n'a pas fourni les clés nécessaires pour que chaque citoyen puisse se faire une opinion sur les grandes questions scientifiques en se basant sur une véritable démarche scientifique. La critique citoyenne devient dès lors extrêmement sensible à la puissance des lobbies qui peuvent la manipuler facilement afin d'influer sur les décisions politiques.
Un résultat scientifique est très souvent le travail de toute une communauté, il repose sur de multiples analyses, sur une multitude de confrontations entre théories et expériences. Les débats d'idées, parfois conflictuels, sont à la base de la qualité des consensus qui en émergeront. Et encore, les résultats admis ne sont là que pour être battus en brèche par de nouvelles expériences ou par de nouvelles idées. La science bouge par nature, elle n'est en rien immuable et la vérité scientifique n'a de sens qu'à un instant donné. Le public comprend mal cela, pour lui, les choses sont ou ne sont pas, il a du mal à admettre qu'un résultat bien établi soit remis en cause. A cela il faut ajouter un certain goût pour le sensationnel et le plaisir de voir certains soutenir les thèses les plus farfelues à l'encontre du plus élémentaire bon sens. Il y a une certaine jouissance à imaginer qu'un Einstein ait pu se tromper, que la théorie de la relativité soit fausse ou encore que le big-bang ne soit qu'une vue de l'esprit. Pour aller dans ce sens, on est prêt à sacrifier à la plus élémentaire démarche scientifique et à gober tout cru les fables des opportunistes.
Le cas du GIEC est particulièrement intéressant à ce sujet. Il est clair que de très gros intérêts financiers n'ont rien à gagner sur le court terme avec une baisse des émissions de CO2. Certains auraient même intérêt à ce qu'un réchauffement climatique fasse fondre une partie de la banquise afin de libérer des passages pour les bateaux et de rendre accessible des zones de recherche de matières premières. On a là tous les éléments pour que se mettent en place des lobbies dont le but est de retarder le plus possible les actions visant à diminuer la consommation énergétique. Les nombreuses équipes scientifiques du GIEC font actuellement les frais de ces campagnes de pressions. Étant donné ce qui a été dit plus haut, on voit bien qu'il est très simple de prendre un résultat, si possible douteux, de le retirer de son contexte et de le pointer du doigt en expliquant que s'il y a un doute, ou pire si ce résultat particulier est faux, c'est que tout ces scientifiques ne sont que des incapables, que tout leurs travaux sont à jeter et donc que l'origine humaine du réchauffement climatique est une vue de l'esprit.
Cette entreprise systématique de démolition du travail du GIEC est malheureusement très efficace, car les scientifiques sont complètement démunis. La seule façon de répondre serait d'utiliser les mêmes techniques, d'aller pirater les mails des anti-réchauffements, de sortir quelques arguments de leur contexte et d'inonder les forums et débats publics… mais les scientifiques ne savent pas bien faire cela, ils répondent généralement en apportant de nouveaux résultats étayant leurs thèses, qu'il sera de nouveau très simple de réfuter par le même type d'arguments fallacieux.
Et pourtant… lorsqu'on interroge les français sur la confiance qu'ils ont dans les institutions, ceux-ci déclarent à 90% avoir une totale confiance dans le CNRS, alors qu'ils ne sont que 27% à faire confiance aux médias. Allez comprendre...
Je ne pense pas que l'utilisation des capacités des scientifiques par le monde politique soit l'apanage de notre monde moderne. Si Archimède était citoyen d'honneur à Syracuse, c'était autant (si ce n'est plus)pour ses idées nouvelles en armement et défense que pour son levier, sa baignoire et ses cercles. Et si François Ier a ramené Léonard de Vinci d'Italie pour l'installer à Amboise, ce n'est pas que pour se faire tirer le portrait : véhicule automobile, canon mitrailleur, navire submersible et autres inventions de De Vinci nous montre que les mécènes (royaux) avaient aussi des désirs plus militaires. Hannibal, avait lui aussi, dit-on, enrôlé des "savants" pour sa marche sur Rome. Et que dire de tous les rois de l'Antiquité (et même actuels !) qui ne prennaient de décision qu'après consultation des savants de leur époque ... Je crois que les gens de pouvoir ont toujours recherché les connaissances des savants, du moins celles qui leur permettaient (permettent) de conserver leur pouvoir ! Manipuler un résultat scientifique pour conserver sa puissance et servir ses intérêts n'en est qu'une autre facette !
RépondreSupprimerC'est vrai, je n'avais pas pensé à cela. Science et politique ont en effet toujours fait bon ménage au niveau des applications militaires. Je pense d'ailleurs que Leonard de Vinci devait être un sacré bonimenteur car la plupart de ses machines de guerres sont restées sur le papier.
RépondreSupprimeroualala c'est vachement intelligent ce que j'ai dit dans le commentaire plus haut...hehehe
RépondreSupprimerUsurpatrice !
RépondreSupprimerhttp://www.lemonde.fr/planete/article/2010/02/27/la-liste-imaginaire-des-cautions-scientifiques-enrolees-par-l-ancien-ministre_1312168_3244.html#ens_id=1275244
RépondreSupprimerA lire également sur le Blog Sience2:
RépondreSupprimerhttp://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/claude-all%C3%A8gre-premier-debuggage-de-limposture.html
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/all%C3%A8gre-d%C3%A9buggage-2-le-sergent-recruteur.html
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/all%C3%A8gre-d%C3%A9buggage-3-le-graphique-faux.html