jeudi 25 février 2010

Et mon CNRS alors ?

J'ai découvert récemment avec une certaine naïveté candide l'ampleur de la réforme actuelle du système de recherche. Ayant vu le CNRS traverser sans trop de dégâts bien des crises dans lesquelles il était supposé s'affaiblir et plier aux injonction du pouvoir, je pensais que cette fois encore il ressortirait sans trop de dommage des réformes récentes. La création des 10 Instituts ayant vocation à devenir Instituts Nationaux semblait avoir préservé l'essentiel, c'est-à-dire la capacité pour le CNRS d'être un opérateur majeur de la science et non pas une simple agence de moyen.

Vu la situation de délabrement des universités française, il est évident qu'on ne peut que se féliciter de l'effort financier consenti par le gouvernement afin de rénover les campus et de donner les moyens aux universités de vivre et de développer des recherches de pointe tout en assurant des enseignements de qualité.

J'ai été estomaqué des sommes et de la stratégie mises en jeu. Dans le cadre du grand emprunt national, entre 5 et 10 "campus d'excellence" vont se voir attribuer 1 milliard d'euros chacun ! Ce milliard ne sera pas directement utilisable puisqu'il arrivera sous la forme d'un capital, qui une fois placé, rapportera au minimum 50 à 60 M€ / an et qui pourra servir à garantir des emprunts que feraient les universités concernées. Après la loi relative à l'autonomie des universités, on voit bien le modèle qui se met en place: de très grandes universités autonomes sur leur mode de fonctionnement et en grande partie sur leur financement. Dans peu de temps, nous verrons une augmentation très importante des droits d'inscription et nous serons alors très proches du modèle américain. Ce n'est pas ma conception de l'université, je pense qu'il y avait d'autres modèles viables à développer, mais bon … après tout pourquoi pas ? L'important est avant tout de sortir les universités du marasme.

Dans l'unification des grands "campus d'excellence", il est clair que les grandes écoles vont devoir d'une manière ou d'une autre se joindre aux universités. Ceci est une bonne chose. Le modèle super élitiste français a littéralement pompé les bons étudiants qui auraient pu tirer les universités vers le haut,  afin d'alimenter le circuit des grandes écoles, qui certes, produisent d'excellents chercheurs mais qui ont tout de même tendance à formater les cerveaux. L'esprit de castes n'améliore en rien la situation: les X avec les X, les Normale Sup avec les Normale Sup…  je ne veux voir qu'une tête… En tout cas, les problèmes de mise en place des gouvernances des grands campus promettent d'être particulièrement ardus à résoudre.

Là où les choses se compliquent c'est que le CNRS est complètement tenu à l'écart du processus et que le rôle de celui-ci dans les "campus d'excellence" est loin d'être clair. Je ne vois pas non plus comment les négociations actuelles en vu de mettre en place une gestion unique des unités mixtes CNRS / universités pourraient ne pas affaiblir le CNRS.

En parallèle et au niveau national, de grandes alliances scientifiques sont en cours de création: alliance environnement, santé, numérique, sciences humaines, etc… elles ont normalement pour vocation de réunir les grands acteurs des disciplines concernées (INSERM, INRIA, CEA, etc…) et sont de fait directement en concurrence avec les instituts du CNRS.

Les universités vont donc avoir la puissance financière et les alliances la puissance politique, que restera t'il alors au CNRS ? Il suffira d'étouffer petit à petit les meilleurs laboratoires pour assécher le CNRS, le coup de grâce viendra avec la perte de la gestion du personnel qui passera aux universités. 

Je ne critique en aucun cas les moyens donnés aux universités, mais n'y avait-il pas moyen d'intégrer le CNRS dans le processus, plutôt que de casser ce qui marche ?

4 commentaires:

  1. "L'important est avant tout de sortir les universités du marasme."

    Ce ne seront hélas qu'entre 5 et 10 universites qui vont sortir du marasme, c'est mieux que rien mais certainement pas suffisant. Je ne pense pas que la CNRS aie grand chose à craindre de cette seule nouvelle. Le principal danger est de laisser pourrir les meilleures equipes.
    Nous sommes entrain de rentrer dans une espece de compétition entre les chercheurs et les organismes, je ne crois pas que ce soit bon etant donné que les financements ne suivent pas...

    RépondreSupprimer
  2. Que veux tu dire par "compétition entre les chercheurs et les organismes" ?

    RépondreSupprimer
  3. Je veux dire que si la recherche est individualisée en France, elle perdra un de ses points forts. Le merite du systeme francais est qu'il ne récompense pas (directement) pour l'instant le chef d'equipe qui a publie dans nature. Une fois que le systeme de merite sera en place au niveau du salaire, la nature humaine reprendra ses droits et il y a de fortes chances que tout le monde se tire dans les pattes afin d'attirer la couverture vers lui.

    De par mon experience j'ai deja vu ca, en particulier au cours de ma these. Il fallait garder tout pour nous, ne pas chercher l'aide du voisin qui est compétent dans le domaine afin de limiter le nombre de nom sur la potentielle publication. Conclusion : cette publication est encore potentielle. Je n'ose imaginer ce que ce sera lorsque des parties de salaires seront en jeu.

    PS : Comme je vois les choses se profiler, je trouver honteux que quelques tetes se retrouvent avec des bonus alors que ce sont les techniciens et les personnes en CDD (thésards et post-doc) qui ont fait le travail et surmonté les problèmes techniques pour qu'une experience fonctionne. C'est un travail d'aquipe et si gratification pecuniere il doit avoir, elle doit etre d'equipe.

    RépondreSupprimer
  4. C'est en effet un autre effet pervers de la réforme actuelle. Je n'ai rien contre une certaine reconnaissance financière du mérite, mais là il s'agit de primes énormes attribuées selon des critères discutables. De plus, comme tu le soulignes, elles récompensent des individus alors que l'on sait bien que la science est le plus souvent collective.

    RépondreSupprimer