Sous le terme
barbare d'Oscillations Acoustiques Baryoniques ou BAO se cache une avancée
récente dans le domaine de la cosmologie qui devrait apporter dans les
prochaines années un outil très intéressant pour étudier l'évolution du taux
d'expansion de l'univers au cours du temps et ainsi amener de précieux indices
sur la nature de l'énergie noire.
À plus d'un titre
l'Univers est un objet d'étude extraordinaire. L'un des aspects les plus
fascinant à mon avis, est le fait que faisant partie de cet Univers, nous
n'avons pas d'autres choix que de l'observer depuis un point de vue très
particulier, situé en un endroit et à un instant précis. À partir de ce que
nous observons ici et aujourd'hui, la cosmologie consiste à tenter de déduire
le comportement global de cet Univers
partout et à tout moment.
Heureusement pour le
cosmologiste, le fait que la vitesse de propagation d'un signal (lumineux ou
autre) soit finie, permet en observant des objets lointains, non seulement de
voir ailleurs, mais aussi de remonter dans le passé. L'Univers au cours de son évolution laisse
tout un ensemble de traces de son activité. Les signaux émis en un lieu et à un
moment donné, pour peu qu'ils ne soient pas absorbés, se propagent
indéfiniment. Au cours de ce voyage ils subissent les effets de l'évolution
même de l'Univers, ils portent donc en eux tout un ensemble d'informations
imbriquées sur les phénomènes qui leur ont donné naissance et sur la dynamique
de l'espace-temps qu'ils ont traversé. Charge au physicien de démêler
l'écheveau et d'en extraire les lois fondamentales qui gouvernent l'évolution
de l'Univers.
La grande difficulté
des mesures cosmologiques vient du fait que lorsqu'on observe un objet nous ne disposons ni de mesure de distance
absolue, ni de mesure de temps. La notion même de distance est ambiguë :
parle-t-on de la distance séparant l'observateur et l'astre au moment où ce
dernier a émis un signal lumineux, ou bien de la distance entre l'observateur
et l'astre aujourd'hui ? Parle t-on de la distance déduite de la luminosité de
l'astre ou encore de celle que l'on détermine à partir de la dimension
angulaire de l'objet. Toutes ces définitions de distances ont un sens physique,
mais ne donnent pas un résultat identique, loin de là...
Le décalage spectral "z", c’est-à-dire l'allongement des longueurs d'onde des signaux émis
par les objets lointains est l'ami du cosmologiste observationnel. En effet ce
décalage vers le rouge est lié au rapport entre une échelle de distance caractéristique
de l'Univers au moment de l'émission du signal et la même échelle au moment de
la réception du signal. En d'autre terme
; entre le moment où le signal est émis et celui où il est reçu, l'Univers a
subi une expansion dont dépend la valeur du décalage spectral. Malheureusement
il n'est pas possible d'en déduire une distance absolue car on ne connait pas a
priori la façon dont l'Univers se dilate. Par contre, on sait qu'un astre
lointain possédant un décalage spectral plus grand qu'un autre se situe à une
plus grande distance.
Concernant la
distance déterminée à partir de la luminosité, il est possible de sonder
l'univers lointain en observant des supernovae de type 1A car ces astres
évoluant selon un processus connu et probablement très uniforme, il est
possible de déterminer leur luminosité absolue. En comparant, la luminosité
absolue calculée avec la luminosité apparente, on obtient une mesure de la
distance de luminosité. En répétant cette mesure pour des astres possédant
différents décalages spectraux, on peut tracer une courbe sensible à la façon
dont l'Univers se dilate. C'est ainsi qu'en 1998, les équipes du Supernova Cosmology Project et du High-z SupernovaSearch Team constatèrent indépendamment que les supernovae les plus lointaines
brillaient un peu moins que ce qui étaient attendu. La conclusion, fort
surprenante, fut que l'Univers semble être actuellement dans une phase
d'expansion accélérée. C'est cette observation, confirmée par la suite par les
mesures du rayonnement de fond cosmologique, qui a conduit à l'hypothèse de
l'existence d'une énergie noire qui représenterait les trois quart de la
densité en énergie de l'Univers.
Malheureusement
toutes ces mesures reposent sur l'hypothèse que les supernovae de type 1A sont
bien des chandelles standards, c’est-à-dire qu'elles brillent et évoluent
toutes de la même manière ce qui fait largement débat et est difficile à
contrôler. Pour faire des mesures vraiment précises, l'idéal serait de disposer
d'une sorte de règle ou d'étalon cosmique que l'on puisse mesurer à différentes
périodes de l'évolution de l'Univers. Cet étalon existe, c'est une dimension
caractéristique liée à ce qu'on nomme du nom barbare d'Oscillations Acoustiques des Baryons dont l'acronyme
anglais est BAO.
Peu de temps après
le big-bang, l'Univers est très chaud et est rempli d'un plasma constitué
d'électrons, de protons et de neutrons. Les photons produits par les
interactions entre les particules de matières ne peuvent pas se propager
facilement, ils sont tout de suite réabsorbés en interagissant avec le plasma.
A l'intérieur de ce plasma, il y a de petites inhomogénéités, qui donneront
plus tard naissance aux grandes structures de l'Univers. Certaines régions sont
donc un petit peu plus denses et attirent gravitationnellement la matière environnante ce qui a pour effet
d'augmenter le nombre d'interactions entre les grains de matière qui émettent
une radiation sous forme de photons. Cette radiation va avoir tendance à
repousser la matière qui va aller créer des zones de surdensité ailleurs. Ce
phénomène de pulsation perdure tant que l'Univers est suffisamment chaud pour
que les photons interagissent avec la matière, c’est-à-dire pendant environ 380
000 ans, temps auquel la matière et le rayonnement se découplent. Les photons
se propagent alors de leur côté et constituent le rayonnement de fond cosmologique que l'on détecte aujourd'hui avec une température de 2.7 Kelvins
et qui garde la trace des inhomogénéités de l'Univers primordial.
Carte des inhomogénéités de la température du rayonnement cosmologique, telles que mesurées par la collaboration WMAP |
Les ondes de matière se propagent également
pendant environ 1 million d'années, périodes à laquelle les galaxies commencent à se former. Comme illustré par le graphique ci-dessous,
des surdensités de matière existent au centre de l'onde (la zone où elle s'est
formée) et sur le front d'onde qui s'est propagé (nommé horizon acoustique).
Les galaxies vont avoir tendance à se former au niveau des zones de surdensité
qui agissent comme des germes. On s'attend donc à ce qu'aujourd'hui encore, les
grandes structures formées par les galaxies conservent une empreinte de ces
ondes de pression.
Source : http://cosmology.lbl.gov/BOSS/as2_proposal.pdf |
À partir de l'an
2000 le projet SLOAN Digital Sky Survey (SDSS) a entrepris de cartographier des
centaines de milliers de galaxies. La figure ci-dessous représente la carte obtenue, on voit clairement que les galaxies ne sont pas réparties de manière isotropes et qu'elles se rassemblent le long de filaments.
Comme le montre le graphique ci-dessous, l'analyse statistique de la position de ces
objets a permis de déterminer que chaque paire de galaxies a une chance plus
importante d'être séparée par environ 500 millions d'années-lumière que par 400
millions ou 600 millions.
500 millions d'années-lumière représentent la
dimension de l'horizon acoustique des ondes de pression dans l'Univers actuel.
Cette mesure fournit également un étalon de longueur pour les études
cosmologiques ; en sondant l'Univers à différentes distances (différents
décalages spectraux) il est possible de déterminer comment l'étalon de longueur
s'est modifié au cours de l'évolution de l'Univers et ainsi d'avoir accès à des
paramètres cosmologiques fondamentaux, notamment ceux liés à l'énergie
noire.
Bibliographie :
Distribution spatiale des galaxies observées par la collaboration SDSS - Source: http://www.sdss.org/includes/sideimages/sdss_pie2.html |
Figure extraite de la publication http://arxiv.org/pdf/1203.6594v1.pdf de la collabration SDSS III - BOSS. Le pic montre que l'empreinte des oscillations acoustiques baryoniques est bien présente lorsqu'on analyse la distribution spatiale des galaxies. Il correspond à une distance privilégiée d'environ 500 années-lumières entre les galaxies. |
Bibliographie :
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