jeudi 5 juillet 2012

Le Higgs expliqué à Marie-Claire


Chère Marie-Claire,

Pour comprendre l'histoire du boson, il faut d'abord réaliser que tout le fonctionnement de l'Univers repose sur un ensemble de particules élémentaires et de forces qui les font interagir entre elles ou se désintégrer. Les particules élémentaires sont les briques de base nécessaires à la construction de la matière qui nous entoure. Par exemple, pour le physicien des particules le contenu de ton Mojito est un assemblage complexe d'électrons, de protons et de neutrons qui se regroupent pour former des noyaux, des atomes, des molécules et donc des Mojitos. Les protons et les neutrons sont eux-mêmes des assemblages de quarks maintenus ensembles par d'autres particules nommées gluons.

Tout ces assemblages sont décrits par une théorie qui marche super bien. Ça marche même tellement bien que depuis des années les physiciens n'ont pas de grosses surprises, tout est conforme à ce "modèle standard" de la physique des particules .
Le seul problème - et il est de taille - est que cette théorie dans sa version la plus simple n'explique pas pourquoi les particules sont massives. Tout pourrait (devrait) fonctionner avec des particules sans masse.

En 1964, trois physiciens : Robert Brout, François Englert et Peter Higgs ont proposé un mécanisme permettant d'expliquer comment les particules élémentaires acquièrent une masse. L'idée est assez révolutionnaire puisqu'elle repose sur le fait que la masse n'est pas une caractéristique intrinsèque des particules mais qu'elle est le résultat d'une interaction des particules sans masse avec le vide. Le vide n'est donc pas si vide que cela, il est en fait rempli de ce que l'on appelle un "champ", constitué d'une infinité de particules nommés bosons de Higgs. C'est en interagissant avec le champ de Higgs que les particules élémentaires   acquièrent une masse.

On peut se représenter la chose en imaginant une piscine remplie d'eau. Les molécules d'eau représentent le champ de Higgs. Si un  objet traverse la piscine, il va ressentir une certaine viscosité et ralentir, comme s'il devenait subitement plus lourd. Un objet de forme aérodynamique sentira faiblement l'effet de l'eau, par contre un autre objet aux formes anguleuses sera fortement ralenti. Pour les particules c'est pareil ; certaines interagissent beaucoup avec le champ de Higgs , elles ont donc une grande masse; d'autres interagissent très peu et sont donc légères. Note bien toutefois, que les physiciens ne comprennent pas pourquoi certaines particules interagissent plus que d'autres avec le champ de Higgs...

Dans certaines circonstance, il est possible d'exciter le champ de Higgs et de faire se matérialiser un boson de Higgs, un peu comme si en provoquant une vague dans la piscine, on arrivait à faire quelques éclaboussures. Le fait de voir les éclaboussures prouverait à coup sûr que la piscine est bien remplie d'eau.

Les expériences ATLAS et CMS au CERN près de Genève, viennent probablement de réussir à mettre évidence  ces éclaboussures, elles ont détectées la signature caractéristiques de ce qu'on pense être des bosons de Higgs. Ce qui, si c'est confirmé, valide la théorie de Brout, Englert et Higgs et démontre la validité du mécanisme qu'ils ont proposé et qui confère la masse aux particules élémentaires.

Tu ne verras plus jamais ton Mojito de la même manière !

Bises,

Dominique

3 commentaires:

  1. Bonjour.

    Je demande pardon à Marie-Claire de m'immiscer ainsi dans son courrier (et dans son Mojito), mais cette longue traque du boson de Higgs me passionne, comme beaucoup d'autres sujets de physique des particules auxquels je ne comprends rien, et j'apprécie beaucoup ces explications basées sur des analogies avec des phénomènes qu'on peut observer tous les jours.

    Hier, j'ai regardé une vidéo où un physicien à barbe blanche, sans doute cousin du Père Noël, nous expliquait le boson de Higgs comme étant semblable à un flocon dans un champ de neige.

    Aujourd'hui, voici l'excellente analogie avec l'aérodynamique, laquelle me parle davantage puisque je suis tombé dedans quand j'étais petit et que j'y trempe encore.

    Mais une chose me chiffonne dans toutes ces analogies: comment intègrent-elles le principe d'inertie?

    Je m'explique: le bateau qui interagit avec l'eau ou l'avion qui interagit avec l'air sont plus ou moins freinés selon leur aérodynamisme, et donc se comportent comme s'ils étaient plus ou moins lourds selon cette analogie. Mais sans moteur, le bateau ou l'avion ralentiraient de plus en plus et finiraient par s'arrêter. Si on admet que le freinage par interaction avec le milieu environnant est l'équivalent de l'acquisition d'une masse, celle-ci devrait donc augmenter sans cesse par interaction jusqu'à devenir infinie, à moins qu'il n'y ait une force de propulsion pour maintenir la vitesse malgré le freinage.

    Revenons aux particules et au principe d'inertie. Les vieux cours de physique élémentaire disent que tout objet massif animé d'un mouvement de translation conserve sa vitesse sur une trajectoire rectiligne s'il n'est soumis à aucune force. Dans ce cas, comment une particule "freinée" par le champ de Higgs et soumise à aucune autre force peut-elle conserver sa vitesse et stabiliser sa masse? Est-ce que la particule n'interagit plus avec le champ de Higgs une fois qu'elle a acquis une masse, ou y a-t-il une "force de propulsion" cachée qui compense le "freinage" ?

    Encore une fois, je demande pardon à Marie-Claire si je l'ai perturbée par mes questions, et je la rassure tout de suite en lui affirmant qu'un Mojito immobile n'a pas une masse infinie. Par contre, pour certaines spécialités culinaires dont je tairai le nom pour ménager les susceptibilités, il semble que la masse au repos approche carrément celle d'un trou noir, ce qui indiquerait une interaction maximale avec le champ de Higgs! :D

    Richard

    RépondreSupprimer
  2. Cher Richard,

    Vous mettez le doigt sur les limites de ce type d'analogies qui, certes, permettent de se représenter des phénomènes très complexes et normalement inaccessibles à nos sens, mais qui sont fort éloignées de la physique réelle.

    Donc oui, la particule qui traverse un fluide devrait finir par s'arrêter, ce qui n'est bien sûr pas le cas. Le champ de Higgs est plus complexe que cela.

    Nos sens ne nous permettant pas d'appréhender le monde quantique, il faut utiliser l'outil mathématique pour le représenter et ce n'est qu'à ce prix que l'on arrive à construire une représentation exacte (?) du phénomène.

    Les points importants dans tout cela sont :
    1- La masse n'est pas un caractère intrinsèque des particules élémentaires.
    2- La masse provient de l'interaction des particules avec le champ de Higgs.
    3- L'existence d'un champ de Higgs conduit à l'existence d'au moins un boson de Higgs qui dans certaines circonstances, peut se matérialiser et se désintégrer aussitôt en d'autres particules élémentaires.

    Dominique

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Dominique.

      Merci beaucoup pour ces précisions. Il est vrai qu'il est difficile d'aller plus loin dans la compréhension du monde quantique sans faire appel aux mathématiques.

      Mais même si ces analogies très imagées aboutissent à des contradictions quand on pousse un peu le raisonnement, elles ont au moins le mérite de lever un coin du voile sur l'étrangeté du monde quantique.

      En tout cas, belle découverte que celle du LHC. Je suppose que les flux de bulles de champagne y ont temporairement remplacé les flux de protons. ;)

      Richard

      Supprimer