Prédit dès 1937 par
Fritz Zwicky comme une conséquence de la théorie de la relativité générale, le
phénomène de lentille ou de mirage gravitationnel a été effectivement observé
pour la première fois en 1979 par les astronomes Dennis Walsh, Bob Carswell, and
Ray Weyman sur des images obtenues sur
un télescope de 2.1 m de l'observatoire Kitt Peak. Il s'agissait de l'image
d'un quasar nommé SBS 0957+561 dédoublée par l'effet gravitationnel d'une
galaxie située en avant plan.
L'explication du
phénomène fait intervenir la relativité générale, mais peut-être illustrée de manière simple ;
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Illustration du phénomène de lentille gravitationnelle - Source NASA |
un objet très massif telle qu'une galaxie,
courbe l'espace-temps. Les rayons lumineux provenant d'un objet situé en
arrière-plan suivent cette courbure de telle façon qu'un observateur situé sur
la ligne de visé verra une ou plusieurs images déformées et amplifiées de
l'objet en question. La galaxie se comporte alors comme le ferait une lentille
située sur le trajet des rayons lumineux.
Au-delà de l'aspect
spectaculaire de cet effet qui illustre de façon flagrante et non ambiguë une
conséquence de la relativité générale, il est possible de tirer profit des
lentilles gravitationnelles pour étudier des objets invisibles autrement ou
pour mesurer des paramètres cosmologiques.
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Mirages gravitationnels observés par Hubble |
Si on observe
l'univers de manière suffisamment profonde, on se rend compte que les
distorsions gravitationnelles sont omniprésentes, bien que parfois très peu
marquées. Les images des galaxies lointaines sont distordues par de multiples
déformations de l'espace-temps associées à la matière située en avant-plan.
L'effet gravitationnel est qualifié de "faible", on parle alors de
"weak lensing" ou de cisaillement gravitationnel. Une analyse
statistique des déformations permet par exemple de dresser des cartes de la
distribution de matière visible et invisible
dans les régions du ciel observées. Il s'agit d'un outil très puissant
puisqu'il permet de cartographier la matière sombre sans la voir (évidemment !)
et sans avoir à faire d'hypothèse s sur
sa nature.
L'effet de lentille
gravitationnelle peut également être "fort", dans ce cas on observera
un objet particulier (galaxie, quasar, etc…) amplifié, déformé et dédoublé. Ce
type de phénomène est rare car il requière que l'observateur, la masse "défléchissante"
et l'astre observé soit pratiquement alignés., de plus il se manifeste surtout
pour des astres peu lumineux car très éloignés car cela maximise les chances
qu'un objet massif se trouve au bon endroit.
Avec les grands
relevés astronomiques et notamment avec le Large Synoptic Survey Telescope(LSST) qui imagera de nombreuse fois chaque région du ciel au cours de ses dix
ans de service il deviendra possible d'observer des effets de lentilles
gravitationnelles forts sur des astres dont la luminosité varie rapidement avec
le temps, par exemples des quasars ou des supernovæ. Dans le cas des supernovæ,
on pourra alors observer l'apparition des images multiples décalées dans le
temps. En effet, les chemins optiques correspondants aux multiples images
(mirages) sont différents et il peut s'écouler quelques mois, voire quelques
années entre l'apparition de deux images successives. Comme illustré
ci-dessous, on pourra alors disposer d'une sorte de film montrant les
apparitions et les disparations des différentes images de la supernovæ.
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"Film" de l'apparition des images successives d'une supernovæ par effet de lentille gravitationnel fort - Simulation réalisée dans le cadre du projet LSST - Source : http://www.lsst.org/files/docs/aas/2006/Kirkby.pdf |
Pour
des supernovæ de type 1A dont la courbe
de luminosité et le spectre sont bien connus, il sera possible de déterminer
très précisément le décalage temporel entre les différentes images qui est lié
à la "constante" de Hubble. Inversement, si la constante de Hubble
est connue via d'autres méthodes, l'effet de lentille gravitationnelle fort donne
des indications précises sur la distribution de la matière (normale et noire)
constituant l'objet déflecteur. En 10 ans d'opération on estime que LSST
devrait observer une grosse centaine de ces mirages gravitationnels de
supernovæ de type 1A.