Une, deux, trois,
quatre… cinquante-six, cinquante-sept … quatre-vingt-dix-neuf, CENT...
s'exclame l'enfant qui pointe les étoiles avec son doigt et tente de les
compter … toutes ! De tout temps, les Hommes ont ressenti le besoin de compter
les astres, de les répertorier, de les classer… le simple fait de les
rassembler dans des constellations était déjà une manière de créer un
catalogue. Au fil du temps et avec
l'aide de l'évolution technologique les catalogues ont pris de l'ampleur ;
étoiles, astéroïdes, comètes, galaxies, quasars, supernovæ… les répertoires
contiennent au minimum les coordonnées astronomiques des astres, mais peuvent
aussi être enrichis d'autres informations telles que la couleur, le spectre, le
décalage vers le rouge, la dimension angulaire où autres paramètres
caractérisant la forme des galaxies, etc.
La plupart des
grands télescopes sont des instruments mis à la disposition de la communauté
des astronomes qui proposent des projets d'observation dans un but scientifique
donné et qui obtiennent pour cela, plus ou moins de temps d'instrument. Les
observations ne se font évidemment pas l'œil rivé à l'oculaire, mais avec des
caméras CDD, des spectrographes, ou autres instruments qui délivrent des
données qu'ils convient de traiter afin de pouvoir en extraire des informations
pertinentes.
D'autres télescopes
fonctionnent d'une manière différente, ils
exécutent des relevés systématiques (surveys en anglais) d'une portion
ou de la totalité du ciel visible depuis l'endroit où ils se trouvent. En
jouant sur le temps de pose, ils peuvent également faire des relevés en
profondeurs (deep sky surveys) en augmentant les temps de pose afin d'observer
les galaxies les plus ténues dans un champ donné. Afin d'être efficace dans ces
relevés, il convient d'utiliser des instruments offrant un très grand champ,
c’est-à-dire capable de photographier la plus grande fraction du ciel possible
à chaque pose.
Dès 1949, le
télescope Samuel Oschin au Mont Palomar entamait le premier grand relevé,
nommé "National Geographic Society- Palomar Observatory Sky Survey " ou NGS-POSS. Terminé en 1958, il
servit, au moins partiellement à la constitution de nombreux catalogues. Le
télescope Samuel Oschin était conçu avec une formule optique dite de Schmidt
offrant un très large champ.
Par la suite
plusieurs grand relevé eurent lieu, comme par exemple le Digitized Sky Survey
(DSS) achevé en 1994 ou encore le Sloan Digital Sky Survey (SDSS) commencé en
2000 et dont la troisième passe s'achèvera en 2014. L'instrument BOSS (Baryonic
Oscillation Spectroscopic Survey) complète les informations enregistrées par
SDSS avec des relevés spectroscopiques qui ont notamment servis à la mise en
évidence des Oscillations Acoustiques Baryoniques (BAO), phénomène fournissant un
étalon standard de longueur à l'échelle cosmique, très pratique pour étudier
l'évolution du taux d'expansion de l'univers en fonction de son âge.
L'idéal pour les
astrophysiciens est de disposer d'un instrument capable de photographier la
plus grande fraction possible du ciel pour être exhaustif, le plus rapidement
possible afin de détecter et de suivre les phénomènes transitoire et le plus
profondément possible afin d'observer les galaxies les plus lointaines, donc
les plus âgées. Le projet LSST (Large Synoptic Survey Telescope) est conçu pour
satisfaire au mieux tout ces critères.
Le télescope LSST tel qu'il sera installé sur le Cerro Pachòn. La forme du bâtiment a été optimisé pour limiter les turbulences |
Le télescope LSST,
sera installé sur le Cerro Pachón au
nord du Chili, site disposant de conditions atmosphériques exceptionnelles avec
un seeing moyen de 0.67 secondes d'arc et 80% des nuits propices à l'observation.
Le télescope de 8.4 mètres de diamètre est conçu autour d'une formule optique à
trois miroirs, dite "Paul Baker" de rapport f/d (distance focale
divisée par le diamètre du miroir) égal à 1.23 qui procure une luminosité
exceptionnelle à l'instrument.
Le télescope LSST |
Le plan focal du
télescope sera instrumentée à l'aide d'une caméra pesant la bagatelle de 2.8
tonnes et composée de 189 plaques de
capteurs CCD représentant un total de 3.2 milliards de pixels. Elle permettra
de couvrir un champ de 9.62 deg2 lors de chaque prise de vue. Elle sera couplée
à un système capable de positionner six filtres permettant de sélectionner des
bandes de longueurs d'onde situées dans
la gamme comprise entre 320 nm (ultraviolet) et 1080 nm (infrarouge).
Chaque filtre présente un diamètre de 76 cm et pèse entre 30 et 44 kg ! Outre
les 189 CCD principaux, la caméra est dotée de quatre séries de CCD disposés
sur la périphérie du plan focal et
destinés à l'alignement et au contrôle du front d'onde. L'ensemble caméra + filtres + électronique de
lecture est un objet extrêmement pointu du point de vue technologique et
représente un véritable défi de conception et de réalisation.
La caméra du projet LSST |
- La séquence de fonctionnement du télescope sera la suivante :
- Pose de 15 s
- Positionnement de l'obturateur durant 1 s
- Lecture des CCD durant 2 s
- Nouvelle pose de 15 s
- Positionnement de l'obturateur durant 1 s
- Lecture des CCD durant 2 s
- Positionnement du télescope sur une nouvelle zone (proche) durant 5 s
Cette séquence de
fonctionnement est répétée à longueur de nuits, éventuellement interrompue par
un changement de filtre qui dure environ 2 minutes. Avec une telle cadence et
un tel champ, il n'était pas envisageable de faire de la spectroscopie, les six
filtres fournissent toutefois suffisamment d'informations pour caractériser les
objets observés par photométrie, c’est-à-dire en exploitant l'intensité
lumineuse enregistrée par les CCD au travers de chaque filtre.
Les capteurs CCD délivrent un signal codé sur 16
bits ce qui engendre un flux de données d'environ 15 To par nuit d'observation.
Le système de traitement "en ligne " des données permettra de
délivrer des alertes sur des phénomènes intéressants avec un délai de seulement
60 secondes. Le traitement "en profondeur" des données CCD sera
effectué par deux grand centre de traitement de données ; le National Center for Supercomputing Application (NCSA) à Urbana-Champaign dans l'Illinois et le
Centre de Calcul de l'Institut National de Physique Nucléaire et de Physiquedes Particules (CNRS / CC-IN2P3) en France à Villeurbanne.
Chaque portion du
ciel sera observée un millier de fois durant les 10 ans de fonctionnement du
projet, ceci permettra d'additionner les poses correspondantes et d'augmenter
considérablement la profondeur des champs sondés. On passe ainsi d'une
magnitude limite de 24.5 pour une pose unique (en fait deux poses de 15
secondes) à une magnitude de 27.5 pour
l'intégralité des champs observés au bout de dix ans. Le résultat du traitement des images sera
stocké dans un ensemble d'immenses bases de données occupant 30 Pétaoctets (30
milliards de Go) d'espace de stockage informatique.
Autant les alertes
délivrées par le traitement "en ligne" que les catalogues des objets
reconstruits seront mis à la disposition de la communauté scientifique ainsi
que du grand public. Tout un programme de diffusion de la connaissance vers le grand
public fait partie intégrante du projet LSST.
LSST entamera une
phase de validation de deux ans à partir de 2018 et rentrera en pleine
production dès 2020 pour un fonctionnement quasiment continu pendant 10 ans. Le
champ scientifique délivré par LSST est extrêmement vaste, il s'étend depuis la
recherche d'astéroïdes géo-croiseurs jusqu'à l'étude des grandes structures de
l'univers et de l'énergie noire en passant par les détections et les mesures de supernovæ.
Liens :
Le site du projet LSST (en anglais) : http://www.lsst.org/lsst/ voir notamment la galerie photo
un fd de 1.23 cela fait rêver ...surtout sur un 8 mètre :) j'espère que le fichier des alertes sera mis en ligne sans trop de retard pour le grand public sous une forme simple à utiliser pour des amateurs, histoire de pouvoir faire le tri :)
RépondreSupprimerSalut Chris,
RépondreSupprimerOui les alertes seront disponibles 60 secondes après acquisition via un portail web. Il faudra tout de même faire le tri parmi les 2000 alertes par zone de ciel observée !
Tu peux jeter un coup d'oeil à la présentation suivante : http://www.lsstcorp.org/ahm2012/Breakout/Tuesday/Jones%20-%20AHM_alerts.pdf
Hello,
RépondreSupprimerJ'ai l'impression d'avoir vu une petite autopromo cachée, moi.. ;-) Bref, quand tu dis qu'il fonctionnera 10 ans, pourquoi une date limite ? Il n'est pas en orbite que je sache... J'espère qu'il sera exploité bien au delà de 10 ans, qui est somme toute très court même si ça fait beaucoup de péta, éta, zétaoctets à stocker...
Bonjour Éric,
RépondreSupprimerAutopromo, autopromo... ce n'est tout de même pas mon télescope à moi ! :-) Mais en effet, LSST est mon nouveau projet scientifique.
Pour la durée de vie, les 10 ans correspondent à ce qui est prévu actuellement au niveau du financement. Rien n'empêchera de prolonger l'exploitation si la science le justifie et surtout si les finances suivent. C'est un projet essentiellement américain, et bien qu'on puisse souvent le regretter, il est vrai qu'ils n'ont pas d'état d'âme pour arrêter un projet s'ils pensent que l'argent est mieux investi ailleurs.
Je pense qu'après un millier de passage sur chaque portion du ciel accessible, on ne gagnera plus grand chose au niveau magnitude limite en fonctionnant quelques années de plus. Restera tous les phénomènes transitoires (astéroïdes, comètes, supernovae, etc.)
It is fascinating to learn about the evolution of astronomical catalogs and how technology has enabled us to observe more celestial objects.
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