jeudi 23 septembre 2010

Psychohistoire

Dans le cycle des "Fondations", l'auteur de science fiction Isaac Asimov imagine une nouvelle discipline scientifique nommée "psychohistoire" qui repose sur l'étude statistique du comportement des populations  et qui permet de prédire l'évolution historique de celles-ci. La psychohistoire atteint un tel degré de raffinement que Hari Seldon,  le héro mis en scène dans le premier opus, arrive à prédire précisément l'avenir des peuples de la galaxie sur des millénaires. Fort de cette connaissance, il met au point une stratégie afin de tenter de modifier l'avenir.

Bien entendu tout cela relève de la science fiction et il est impensable que l'on puisse prévoir l'évolution sur le très long terme des sociétés. Toutefois et à une échelle infiniment moins grande, on peut se demander si les statistiques globales enregistrées par le moteur de recherche Google ne recèlent pas des informations qui, une fois correctement extraites et corrélées, permettraient de prédire certains comportements sociétaux et éventuellement d'agir sur ceux-ci. En tout cas, Google a à sa disposition une statistique mondiale d'utilisation de mots clés correspondant s aux préoccupations des gens.

En 2008 Google a soumis un article pour publication dans la revue Nature qui montre qu'en étudiant le nombre d'occurrences de certains mots clés dans les recherche des internautes il est possible d'avoir une vision claire de la situation des épidémies de grippes. En effet, une recherche de mots clés du genre: "Symptômes de la grippe", "fièvre", "douleurs musculaires", etc. si elle est répétée au même moment par des dizaines de personnes dans la même zone géographique, est très probablement le signe que la grippe a fait son apparition dans la région en question.

Le graphique ci-contre compare l'estimation du suivi de la grippe par Google (en bleu) à celui réalisé par des centres spécialisés (en orange). 

La similitude est frappante. Google est donc capable de mettre en évidence en temps réel l'apparition des foyers infectieux dans différentes régions du monde.

Google met à la disposition de ses utilisateurs un outil nommé "Google tendances" qui permet de tracer soit même une courbe qui représente la popularité de certaines recherche de mots clés en fonction du temps. Par exemple, le graphique ci-contre montre la distribution temporelle des recherches sur le mot "marxisme" en France.
Première observation : Le nombre de recherches tend à diminuer au cours du temps, semblant indiquer un désintérêt progressif des internautes pour cette idéologie. 
Deuxième observation : le graphique montre une structure périodique. Le nombre maximum de recherches a lieu au mois d'octobre de chaque année. Est-ce dû à la révolution d'octobre ? Ce serait assez paradoxal puisque celle-ci a eu lieu en novembre ! Il apparait également un regain d'intérêt que je n'explique pas en janvier et un autre plus évident en mai. Par contre, en juillet les préoccupations des français semblent être loin de la révolution ! La structure périodique est tellement bonne que Google se permet même de faire des prédictions sur l'avenir. Psychohistoire, tu n'es pas loin...

En s'amusant avec quelques mots clés, on se rend compte que beaucoup de recherches sont cycliques avec des explications plus ou moins évidentes. En tout cas, mesdames une recherche sur le mot "épilation" montre qu'il y a un relâchement certain chaque mois de décembre ! Pour finir, je me demande bien ce que peut signifier l'augmentation énorme des recherches sur le mot "nabot" au cours du mois en cours (septembre 2010) (authentique !)

dimanche 12 septembre 2010

Le cœur du Cœur

L'image que je présente a été obtenue depuis mon jardin et avec mon matériel d'amateur. C'est une vue de la zone centrale de la nébuleuse numérotée 1805 dans "l'Index Catalog of Nebulae and Clusters of Stars". IC1805, également appelée "Nébuleuse du Cœur" est située juste à côte de la "Nébuleuse de l’Âme" dans la région de Cassiopée (les astronomes sont de grands poètes !). Le centre de la nébuleuse contient un amas d'étoiles baptisé Melotte 15, du nom de son découvreur: Philibert Jacques Melotte.

Une nébuleuse diffuse est un gigantesque nuage de gaz très peu dense qui rayonne sous l'effet des radiations ultraviolettes intenses émises par des étoiles proches. Le gaz en question est très souvent de l'Hydrogène ionisé, on parle alors de région HII. Le gaz émet principalement une lumière rouge monochromatique, c'est-à-dire constituée d'une longueur d'onde bien précise et caractéristique des processus physiques mis en jeu. Il s'agit de la raie alpha de l'Hydrogène, ou Halpha.

Mis à part quelques rares cas, et bien qu'elles couvrent de larges régions du ciel, les nébuleuses diffuses ne sont pas visibles à l'œil nu, mais une petite lunette (66 mm de diamètre et 400 mm de focale) équipée d'une caméra CCD, suffit à capter et à accumuler ces photons interstellaires. Afin de renforcer le contraste de l'image, on équipe la caméra d'un filtre spécial qui sélectionne la longueur d'onde correspondant à l'Halpha (656,3 nm), en rejetant toute autre lumière. 

La photo ci-dessous est le résultat de l'accumulation de 38 images individuelles correspondant à un temps de pose total de 2h49. Durant tout ce temps, il faut faire en sorte que la lunette reste très précisément pointée vers la région du ciel observée, on utilise pour cela une deuxième caméra qui  asservit le guidage de la monture grâce à un logiciel informatique.

Située à environ 7500 Années Lumières de la Terre, l'image couvre une zone d'environ 200 Années Lumières. Les zones sombres qui  semblent sculpter la nébuleuse sont des amas de poussières qui absorbent la lumière. 


vendredi 3 septembre 2010

Quand Google fait du constructionnisme

En 1963, après un séjour en Europe, un certain Seymour Papert, mathématicien de son état, intègre le Massachusetts Institute of Technology (MIT) ou il créé un groupe de recherche sur l'épistémologie et l'apprentissage. Dans les années 60 Seymour Papert avait côtoyé Jean Piaget connu, pour ses travaux sur les mécanismes d'élaboration des connaissances qu'il nomme "constructivisme". Fort de cette inspiration, Seymour Papert élabore sa propre théorie de l'apprentissage qui débouchera sur le "constructionnisme". Tel que je le comprends, pour Piaget, la pensée s'élabore petit à petit suite à tout un ensemble d'expériences qui renvoient chacune quelques bribes d'informations sur le monde. Pour Papert, celui qui apprend, le fait d'autant mieux qu'il "construit" lui-même ses expériences et qu'il explique et discute celles-ci en groupe. On retrouve là les bases de la pédagogie Freinet, que j'ai déjà mentionné (ici) dans ce blog.

Pour mettre en œuvre ses  principes pédagogiques, Papert invente un langage informatique nommé LOGO. Le LOGO est un langage particulièrement logique et simple qui fut associé à un système graphique basée sur une Tortue se déplaçant sur un écran. Quand la Tortue se déplace, elle laisse une trace. Une succession de déplacements va donc permettre de réaliser une figure géométrique. Afin de construire ses connaissances, l'enfant est invité à résoudre des problèmes mathématiques sous une forme graphique en déplaçant la tortue à l'aide de commandes simples.  Par exemple, un cercle est représenté par une succession de petits déplacements intercalés avec de très légers changements de direction. L'idée est séduisante, car l'enfant construit petit à petit sa connaissance, à son rythme et en visualisant ce qu'il fait. Du même coup, il apprend la logique informatique avec un système très simple, la notion de boucles, par exemple apparait naturellement quand l'enfant réalise qu'une figure géométrique complexes n'est souvent qu'une répétition de déplacements élémentaires. L'informatique devient un outil pour réaliser des expériences qui seront autant de briques élémentaires dans l'élaboration de la connaissance.

Visiblement Seymour Papert, bien que victime d'un accident qui l'a laissé gravement handicapé, a laissé son empreinte au MIT qui a continué de travailler sur ces sujets à la jonction entre l'éducation et l'informatique. Actuellement, le MIT héberge un groupe nommé "Lifelong Kindergarten" dont l'une des devises est "Helping children grow up as creative thinkers", leur but est de "développer des technologies qui, dans l'esprit des blocs de constructions de notre enfance et de la peinture au doigt, étendent les limites de ce que les gens peuvent imaginer, créer et apprendre". Dans ce cadre, les chercheurs ont développé un système de programmation graphique, basé sur des "blocs" que l'on peut assembler d'une manière très simple de façon à élaborer un programme informatique complexe, un peu à la manière du LOGO et de sa tortue.

La programmation par blocs du MIT a été reprise par Google afin de créer un outil permettant à tout un chacun de développer des applications pour les téléphone fonctionnant avec le système Google Android, et ceci sans aucune connaissance préalable en informatique. Le résultat est étonnant, il est possible en assemblant quelques blocs représentés par des sortes de pièces de puzzle, de construire une application fonctionnelle relativement complexe.

Avec "App Inventor" Google fait le pari de l'intelligence ; plutôt que d'imposer aux développeurs potentiels de maitriser un langage et un environnement informatique complexe, ces derniers pourront concrétiser leurs idées de la manière la plus simple qui soit.  Google revendique le fait que cette initiative est dans la continuité des idées de Seymour Papert, et effectivement App Inventor est un excellent outil d'apprentissage. D'ailleurs qu'est ce qui pourrait motiver plus les enfants que la programmation de leur téléphone ?

Pour la petite histoire, Seymour Papert était parait-il un membre actif du cercle socialiste révolutionnaire lorsqu'il était à Londres. Comme quoi le MIT qu'il intégra 10 ans seulement après le Maccarthisme, n'était pas sectaire. Du coup c'est peut-être Google qui est devenu un peu révolutionnaire !

Un exemple d'assemblage de blocs dans App Inventor formant une application fonctionnelle.